Si les députés de l’Assemblée constituante faisaient preuve de la même efficacité dans la rédaction de la constitution que dans la mise en place de leurs émoluments, la constitution serait achevée depuis longtemps.

Par Marouen Achouri*

Ce constat amer s’impose à nous lorsque nous examinons le projet de loi relatif à la retraite des élus de l’Assemblée nationale constituante (Anc).

Ce projet de loi stipule que les élus de l’Anc auront une rente à vie qu’ils appellent prime de retraite. En vertu de cette loi, les élus percevront le tiers de leurs salaires actuels pour le restant de leurs jours en plus des retraites normales versées à chacun d’eux.

Tout travail mérite salaire

Plusieurs polémiques ont été alimentées par le salaire des élus. On se rappelle de celle concernant les primes des élus ou encore celle, plus récente, relative au salaire astronomique de Maherzia Laabidi (plus 11.000 dinars par mois, dont une partie perçue en euro). Vient aujourd’hui s’ajouter celle concernant la prime de retraite que certains élus tentent de faire passer à l’assemblée générale.

En dehors du montant exorbitant que cette assemblée coûte à la communauté, il est nécessaire de faire le lien avec le contexte économique et social du pays. A l’heure où l’économie tunisienne est au plus bas et où de larges franges de la société souffrent de pauvreté, les élus de l’assemblée dénigrent leur devoir d’exemplarité en s’octroyant un salaire équivalent à plus de 10 fois le Smic.

En dehors de ces considérations, on pourrait se demander si nos élus méritent d’obtenir de telles largesses de la communauté nationale.

Malheureusement, on ne peut s’y résoudre pour plusieurs raisons. La première et la plus évidente est que nos élus n’ont pas été capables de tenir la promesse faite d’élaborer la constitution tunisienne dans un délai d’un an. Ceci a entrainé un manque de visibilité sur l’avenir de la Tunisie et a grandement participé à la fuite des investisseurs.

Par ailleurs, les débats que l’on a pu suivre sont tout simplement affligeants et n’ont, évidemment, pas contribué à rassurer les citoyens tunisiens dans une période trouble. D’autre part, la seconde mission de cette assemblée s’est soldée par un fiasco retentissant. Cette mission consiste à surveiller l’activité gouvernementale. La commission créée pour enquêter sur les abus policiers du 9 avril dernier représente à elle seule la défaillance et l’échec de l’assemblée constituante dans la résolution des questionnements de la société tunisienne. Une assemblée à la solde du gouvernement, incapable d’apporter des réponses à la société qui l’a élue et lui a confié des missions fondamentales pour l’avenir du pays.

Encore une fois, cette assemblée a échoué de manière pathétique dans l’accomplissement des missions qui lui ont été confiées. Raison de plus pour s’indigner des mesures engagées pour augmenter les salaires d’élus qui ne le méritent pas.

113 élus sont d’accord?

Il est important de relever que cette proposition de retraite des élus n’est pas une émanation marginale comme celle de modifier l’hymne national ou celle de «customiser» le drapeau de notre pays.

Cette proposition indécente est soutenue par 113 élus(1) de notre assemblée constituante, c’est-à- dire à un pourcentage de 52%; ce qui lui donne toutes les chances de passer.

Cela veut dire que 113 élus veulent se payer une retraite dorée sur le dos de la communauté tunisienne, sans craindre le ridicule, l’indécence et les dégâts générés sur la crédibilité, déjà vacillante, de l’assemblée.

Ceci montre à quel point cette assemblée est en rupture avec les réalités de la Tunisie. Ces mêmes élus ne se sont ils pas interrogé sur leur absentéisme? Se sont-ils demandés ce que l’électeur de Kasserine ou de Regueb pourrait penser d’une telle mesure?

Ces élus agissent comme une bande de braqueurs dans une banque : prendre le maximum d’argent possible avant que les flics n’arrivent. S’il est difficile de faire confiance à de tels personnages, comment peut-on continuer à leur confier une constitution?

*- Producteur télé.

 

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Note :

1- La plupart des signataires se sont rétractés. Certains ont affirmé avoir signé par erreur. D’autres affirment avoir été induits en erreur: les auteurs de ce projet de loi leur auraient parlé d’une proposition pour régulariser la situation de certains députés dont la pension de retraite a été suspendue. Quoi qu’il en soit, les signatures existent et il est tout aussi grave de penser que des élus qui ont en charge l’avenir du pays signent des textes qu’ils affirment n’avoir pas lu. La justification est pire que l’erreur.