L’auteur interpelle le secrétaire général du Congrès pour la République (CpR), ancien militant contre la dictature, qui se transforme, peu-à-peu, au contact du pouvoir, en un apprenti dictateur.
Par Raouf Dakhlaoui*
Monsieur,
Lorsque vous avez entamé votre combat contre le dictateur Ben Ali, vous avez été soutenu par tous les démocrates de ce pays et pendant tout le temps où vous avez été injustement enfermé, torturé, condamné, ces démocrates ont tout fait, selon les moyens dont ils disposaient, pour rendre à votre famille la situation moins pénible et pour vous faire savoir, et vous l’avez su, que vous n’étiez pas seul.
Puis la révolution est venue, a chassé le dictateur et vous, comme beaucoup d’autres, avez recouvré votre liberté et réaffirmé votre nature militante. Tout de suite, vous avez rejoint le Dr Moncef Marzouki dans son combat et avez intégré le parti créé par ce dernier, le Congrès pour la république (CpR).
Les élections du 23 octobre 2011 sont venues vous récompenser de votre action et ont doté votre parti d’une quantité appréciable de sièges à l’Assemblée nationale constituante (Anc). Vos amis du CpR et vous, dès le résultat du scrutin, avez annoncé votre ralliement à un parti, Ennahdha, dont les principes sont aux antipodes des vôtres. Vos engagements démocratiques se sont avérés complètement mensongers et quelques portefeuilles ministériels ainsi qu’un titre de président de la république sans aucun pouvoir ont suffi pour que vous vendiez votre âme.
Par la suite, et dès votre prise de fonction comme ministre auprès du Premier ministre, chargé de la Réforme administrative, vous commenciez à vous comporter en véritable dictateur et tous les services de votre ministère commencèrent à se plaindre de vous, de vos déclarations à l’emporte-pièce et de vos sautes d’humeur.
Votre incompétence finit par vous pousser à la démission; mais votre engagement envers votre puissant allié ne cessa point, au contraire. Toutes les occasions étaient propices à un soutien inconditionnel au gouvernement, allant même jusqu’à accuser de trahison et menacer de la peine capitale tous ceux qui s’opposeraient à la politique inconséquente et irresponsable de MM Jebali, Lârayedh & Co.
Vos discours politiques haineux ne font que pousser nos citoyens à la discorde et à la veille du 23 octobre, date qui met fin à votre légitimité électorale, vos cris sont annonciateurs d’une guerre civile qui ruinerait notre pays et ses acquis et nous renverrait à la préhistoire. Vos alliés nahdhaouis sont entrain de vous pousser à tous ces extrêmes, que vous-ont-ils promis? La présidence de la république à la place de votre compère Marzouki? Ce sont leurs méthodes et le genre de promesses auxquelles ils nous ont habitués.
Votre dernière prestation de Sidi Bou Saïd, mercredi 17 octobre 2012, vient, hélas, confirmer ces allégations. Le fait d’avoir occupé le parvis d’une mosquée pour crier votre haine à la démocratie, en compagnie des miliciens d’Ennahdha, montre votre manque de respect pour les institutions religieuses et votre manière de faire fi de la loi qui interdit toute manifestation politique sur les emplacements religieux.
Vos manières dégoûtantes, votre arrogance qui rappelle celle des mauvais élèves, des cancres, qui se la jouent pour «faire honte» à l’intelligence et au savoir, ne vous honore pas.
Maintenant, le voile est levé; nous voyons clair dans votre jeu. Vous étiez contre Ben Ali parce que vous vouliez devenir Ben Ali. Comme Iznogoud, le héros de la bande dessinée de Tabary, vous vouliez devenir calife à la place du calife. Votre ambition immodérée et votre soif du pouvoir, à tout prix, vous conduit à tous les excès, à dire tout et n’importe quoi, quitte à proférer les pires insanités.
Aujourd’hui, votre jeu est bien clair pour tout le monde et le peuple tunisien constate tous les jours votre action malfaisante. C’est d’ailleurs pour cela que vous ne voulez pas vous risquer à affronter les électeurs qui, j’en suis convaincu, vous lamineraient, vous, vos proches et vos alliés.
Monsieur, il est encore temps pour vous détourner des ennemis de la révolution et vous ranger dans le camp démocratique que vous n’auriez jamais dû quitter.
* Libraire.