En Tunisie, la fête est devenue une forme de résistancePour ne pas leur faire plaisir, soyons heureux et amusons-nous. Pour rien au monde, vous et moi, nous ne le permettrons de gâcher notre bonheur. Alors sifflons la peur et redressons nous!

Par Lilia Bouguira

Hier, je suis allée à une fête.

Cela fait si longtemps,

Que je n’ai pas ri ni dansé,

Cela fait si longtemps,

Que mes femmes ne sentent plus aussi bons,

Cela fait si longtemps que je n’ai plus surpris ces regards obliques dévorer nos jeunettes, s’accrocher du regard pour en dire plus long, refaisant le monde toujours à la mode de chez nous,

Cela fait si longtemps que je n’ai pas papoté dans le vide, voir mon rire partir hilare s’accrocher à ces bouts en train, frapper dans mes mains au rythme d’une musique ancestrale, admirer ces arcs-en-ciel fait de pétards et de feux d’artifice tous en forme de cœur rappelant que les oisillons se picorent d’abord, se posent légèrement puis se fixent amoureusement.

Cela fait si longtemps que mon orient n’a plus d’appoint et que ce soir; il est venu marquer des points balançant tout, se lavant de tout, se déchargeant de faux ombrages, pour reluire encore plus moucharabieh que jamais avec ces tendances ambre et musc, fel et yasmine, odeur de jawi et de bkhour que les maman des mariés lancent jalousement tour-à-tour dans un canoun flamboyant.

Cela fait si longtemps que je n'ai pas perçu ces pouls des princes charmants battre au rythme d’une darbouka surchauffée se convoitant subtilement à la Kaïs et Layla.

J’ai aimé lorgner délicieusement mes femmes toujours très peu accoutrées ou au contraire coquettement voilées…

Qu’elles sont jolies les filles de mon pays à la Enrico, je répéterai!

J’ai éructé le plaisir non pas que la fête a été exceptionnellement belle mais parce que, depuis quelque temps, je ne vois que de la nuit.

On a farci mon pays d’intox et d’info les unes toutes pas plus tendres les unes que les autres.

On a gavé mes journées d’horreur et de calamités.

On a scotché à mes heures un épouvantail s’appelant la peur.

Peur de ce regard fauve que je sur-dimensionne certainement parce que la peur taille dans la chair, l’épouvante prend à la gorge et rend fou.

Peur de ces barbes bleues jaillissant de nulle part et de partout.

Peur de n’importe quoi et n’importe qui, apprenant à nous complaire de nos douleurs vraies ou pas vraies, réelles ou pas encore comme dans le malade imaginaire redoutant toujours le pire, inventant le gâchis, ne regardant que d’un regard strabique à sens unique vers le désastre et les fonds des puits.

Je me suis amusée comme une folle.

Je me suis donnée un réel plaisir à m’attarder sur chaque geste, chaque regard pour photographier le bonheur et essayer de le faire durer un peu plus.

Je me suis amusée à rentrer tard, à redevenir moi-même: celle qui brave tout le sommeil, les qu’on dira-t-on et les hommes.

Je me suis même plu à mettre ma radio à fond, vitres ouvertes, cheveux au vent pour décélérer à chaque point de contrôle de police ne redoutant rien comme pour les affronter parce qu’un jour il n’y a pas si longtemps sur une gamine, une tournante des pervers ont osée.

Mon pays est beau, extrêmement beau, et cela, on ne le capte que lorsque la laideur essaye de le tâcher comme une femme sublime que d’affreuses rides essayent de griffer.

Mon peuple est un peuple fait d’hommes et de femmes, le plus souvent côte-à-côte, souvent coquins et coquines mais foncièrement généreux, drôles et pacifiques.

Pourquoi vouloir le défigurer?

Comment oser en douter, le salir ou le bannir?

Pour rien au monde, vous et moi, nous ne le permettrons alors sifflons la peur et redressons nous!