Tunisie. Ahmed Néjib Chebbi ou l’éternel incompris

Que peut-on reprocher aujourd’hui au leader du Parti Républicain sinon qu’il a anticipé, avant tout le monde, les évènements qui se déroulent, en ce moment, sous nos yeux et qu’on aurait pu éviter.

Par Leith Lakhoua*

Le leader du Parti républicain est-il condamné à être un éternel incompris? Il a toujours recherché la solution plausible alors que tout était presque perdu. Il était le seul à opter pour un gouvernement d’union nationale alors que Ben Ali massacrait la foule. A ce moment-là, personne ne voyait une solution à la crise. Ben Ali a pris la fuite... Faut il dire dommage ou heureusement?

Lorsque les dirigeants du parti islamiste Ennahdha sont revenus en Tunisie, ils n’avaient pour tout programme que l’endoctrinent religieux de la masse naïve et crédule... et c’est pour cette raison que Nejib Chebbi, contrairement à ses ex-alliés politiques du CpR et d’Ettakatol, ne pouvait cautionner ce parti considérant ses méthodes des plus hypocrites. Ni son entrée au gouvernement Ghannouchi, ni sa sortie du gouvernement Caïd Essebsi n’étaient appréciées par la majorité de la population, alors que son intention était servir le pays, qui passe par une étape cruciale de son histoire, était perçue par beaucoup de Tunisiens comme de l’opportunisme, et une course pour le pouvoir. Les affiches géantes à son effigie, réalisées par sa boite de communication et jugées provocatrices à ces moments délicats, n’ont pas manqué d’aggraver son cas aux yeux d’une majorité de ses compatriotes. Il a dû assumer aussi les erreurs de communication pendant la campagne électorale, notamment le recours «illégal» à la publicité politique dans certains médias.

Mais maintenant, que reproche-t-on encore à ce monsieur? Lui reproche-t-on le fait qu’il porte aujourd’hui l’espoir de ceux et celles qui cherchent une alternative à l’islamisme rampant? Lui reproche-t-on le fait d’avoir été, pendant tout son parcours politique, le combattant des causes qui nous sont les plus précieuses : la liberté, la justice, la démocratie? Lui reproche-t-on d’avoir toujours été un irréductible? Lui reproche-t-on d’appartenir à cette race d’hommes dont la vie et les idées sont indissociables? Lui reproche-t-on de n’avoir jamais accepté de jouer un rôle d’opposant de vitrine? Et enfin, lui reproche-t-on d’avoir, pendant 40 ans, payé le prix de l’opposition, qu’il continue aujourd’hui encore à payer?

Fort heureusement, on ne peut lui reprocher que d’avoir su anticiper, un peu avant tout le monde, les évènements qui se déroulent en ce moment sous nos yeux et qu’on aurait pu éviter.

En fait, et si la réalité des choses importe à certains d’entre nous, pendant toute cette révolution, le leader du Parti Républicain ne demandait pas plus que de voir son combat pour la démocratie enfin abouti et son pays, la Tunisie, sous une gouvernance démocratique.

Quant à lui, il aurait préféré, une fois rassuré sur le sort de son pays, se payer du bon temps.

* Directeur de Supply Chain.

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