Ne nous enfermons pas dans des dogmes vieux de 14 siècles. Poursuivons l'innovation; bâtissons des règles de bonne gouvernance civile et laissons la religion à chaque individu.
Par Hichem Cherif*
Depuis Abraham, né au 20 siècle av. J.-C. que l'idée du monothéisme existait, ce qui nous laisse penser que le concept de «l'unicité», de «la pensée unique» de la dictature du «UN» est à lier à la théocratie, alors que chez les Grecs, fondateurs de la «démocratie», c'est le polythéisme qui dominait, car le «polythéisme» est la liberté en spiritualité, ce qui correspond à la liberté d'expression dans la «démocratie».
L'avènement du Dieu mâle
En Grèce, hommes et femmes pouvaient se tourner vers des divinités féminines, (Athéna à Athènes). Une femme pouvait être la prêtresse d'un dieu mâle (Pythie auprès d'Apollon).
Les déesses de l'époque reproduisaient les différents états de la femme dans le monde humain: Artémis (pour les vierges), Héra (pour les épouses), Déméter (pour les mères), Aphrodite (pour les libertines), Athéna (pour les vierges viriles)...
Tous cela n'était plus possible avec le «monothéisme», où le dieu unique avait les attributs d'un dieu mâle, ce qui fait de la femme inévitablement un être «second», confirmé par la «Genèse» (2,21) que la création de la femme est créée à partir du corps de l'homme. Ce mythe est d'autant plus aberrant que, dans la réalité, c'est l'homme qui sort du corps de la femme et non l'inverse.
Pourtant au temps de Yahweh ou Yahvé, nom du Dieu des Hébreux dans l'Ancien Testament, il y avait Asherah, une déesse qui semble avoir été liée au culte de Yahvé avant le VIIe siècle av. J.-C. Elle était probablement vénérée comme étant son épouse.
Les mentions bibliques ou archéologiques sur Ashéra confirment le culte qui lui était rendu. Dans les lieux de culte de l'Israël antique.
Ceci démontre que la femme avait une place prépondérante au moment où l'idée du «monothéisme» a commencé à voir le jour.
Ainsi, la religion polythéiste des anciens Israélites a d'abord évolué vers la monolâtrie où Yahvé était le dieu principal, entouré par d'autres dieux dont une «femme», considérée sa femme ou sa compagne. Puis, dans un second temps, la religion a évolué vers un monothéisme où il était le seul dieu et depuis la femme fût éliminée pour laisser sa place à un «seul dieu» qui a les attributs d'un mâle.
Diverses discriminations envers les femmes sont toujours en cours. Même dans l'Etat d'Israël d'aujourd'hui qui se veut démocratique. Il est permis en Israël à l'homme de répudier son épouse tandis que l'inverse est impossible.
Chez les chrétiens, la femme ne peut pas être prêtresse et le célibat est «imposé» aux hommes religieux car la femme est «considérée» comme la tentation, le diable qu'il faut éliminer pour gagner la sainteté, la lucidité.
Moïse, né en 1200 avant J.-C. a poursuivi l'isolation de la femme en ne s'entourant que d'apôtres «mâles», en donnant à la femme une position «secondaire» dans son action même si cette dernière ne se basait pas sur le «jihadisme» mais sur la prêche de la parole et de l'amour éléments à la portée de la femme.
Le prophète de l'islam «féministe» à son époque
Quant à l'islam, il n'a rien fait de tel. Au contraire, il a érigé la femme en tant que «protectrice», en tant que «compagne» du prophète.
Peut-on demander à l'islam de faire plus à cette époque? Peut-on demander au prophète de rendre la femme l'«égale» de l'homme, d'exiger la «monogamie» à l'époque?
Stratège tel qu'il l'était, il a appliqué la «politique des étapes» pour limiter à 4 (en exigeant de l'homme qu'il soit «juste» entre elles, mais qui peut être juste?), en lui attribuant 1/8 du patrimoine du défunt pour lui assurer une «sécurité», en désignant sa première femme comme «Om El Mominine».
Il était «féministe» à l'époque, il aurait pu faire plus s'il pouvait mais il avait aussi un «message» à transmettre et ne pouvait pas se permettre d'affronter la «fronde» des contestataires en exposant toutes ses idées. Il en a lancé les «jalons». Aux «islamistes intelligents» de continuer.
Aurait-il fait plus, une fois ses idées féministes «digérées»? J'en suis certain car un «visionnaire» qui, à cette époque, a bouleversé les principes de toute une civilisation, ne se serait pas contenté de cette première «étape».
De nos jours, s'il avait à nous «guider» pour l'écriture de la «constitution», il n'aurait pas parlé de «complémentarité» mais d'«égalité».
Les «islamistes», qui se disent aujourd'hui «modernes», doivent s'imprégner de l'évolution initiée par le prophète pour la poursuivre et non de figer ses principes qui sont «révolutionnaires» à leur époque mais qui sont dépassés de nos jours.
Rendre la femme «complémentaire» de l'homme, parce qu'elle ne peut exister par elle-même, est une aberration que même le prophète aurait dépassé aisément s'il était venu au XXIe siècle.
L'islam a mis un lien «direct» entre l'individu et Dieu
Contrairement aux autres religions «monothéistes», l'islam a fait sa «révolution» en mettant un lien «direct» entre l'individu et Dieu.
Ni rabbin, ni prêtre, le musulman est en relation «directe» avec Dieu. Personne n'est là pour le juger. Chacun répond de ses actes «spirituels» à Dieu et de ses actes «civils» à la société.
Pourquoi arrêter cette révolution initiée par le prophète par des «êtres» qui veulent le «pouvoir», qui veulent «commander», qui s'érigent comme «guides» alors que le musulman n'a de guide que «Dieu».
Pourquoi restreindre cette «liberté» annoncée par le prophète mais qu'il ne pouvait pas «instaurer» tout de suite la totalité de ses idées de peur de voir son message mal compris. Il a annoncé les principes. Pourquoi vouloir «figer» ses idées dans le temps?
Si on analysait bien ce «darwinisme» spirituel utilisé par les esprits «illuminés» de l'époque pour éviter le choc frontal des traditions séculaires, on devrait s'acheminer par étape vers l'«égalité» des sexes, vers la «monogamie».
Le prophète Mohamed a certainement préconisé la politique d'étape pour aller vers la «monogamie» en limitant, dans un premier temps, à 4 les épouses (à condition que l'homme soit juste entre elles) même si, lui-même, a observé la tradition de son époque en prenant plusieurs femmes pour des raisons diverses, mais dans son esprit, il ne pouvait pas «exiger» la monogamie quand les hommes s'absentaient pour des mois et des années pour commercer, quand l'idée de l'expansion de l'islam nécessitait le «nombre», quand les hommes partaient en guerre pour des années sans espoir de les voir revenir à leur première femme.
De même la «démocratie» devrait-elle libérer la femme pour retrouver l'égalité «civile», et pourquoi pas être «leader», ou «présidente».
Historiquement, l'évolution, l'émancipation, la liberté de la femme est inversement proportionnelle à l'avancée des religions «primaires» qui n'ont pas su évoluer.
Faut-il nier l'histoire où l'on constate que la place de la femme évolue avec les «libertés» (au moment du polythéisme ou des vraies démocraties grecques) pour voir ensuite sa place se restreindre avec les restrictions religieuses (monothéisme ou théocratie)?
Le recul des religions «monothéistes»
Je reste persuadé que le «darwinisme» spirituel qui a amené le «monothéisme» va poursuivre son «évolution», et l'islam est une illustration de son évolution, mais il demeure une étape qu'il faut «dépasser» et non «figer» car avec l'émergence en cours des nations très peuplés qui ne sont pas monothéistes, tels que la Chine et l'Inde, qui vont contribuer peu-à-peu à changer la donne de ce monde, même s'il faudra du temps, car comme ont disparu Zeus, Rê, ou Ahyra-Mazda après une longue et brillante vie, les religions «monothéistes» en cours et qui ne veulent pas «évoluer» subiront aussi des changements, raison pour laquelle il est préférable d'être «perspectiviste» et édicter des «règles civiles» qui restent «universelles» car les religions sont appelées à évoluer avec l'émergence des nouvelles puissances économiques.
L'Europe a commencé sa descente en enfer; les Etats Unis présentent les symptômes de la décadence. Les Chinois sont devant nos portes. L'Inde présente tous les attributs d'une future grande puissance et les religions «monothéistes» dans le vieux monde sont en reculs.
Rien n'est figé, tout se transforme, telle est la loi de la nature. Ne nous enfermons pas dans des dogmes vieux de 14 siècles, qui étaient «innovateurs» à leur époque, et essayons de poursuivre cette «innovation» en bâtissant des règles mondiales de bonne gouvernance «civiles» et laissons les «religions» à chaque individu, sans imposer la «pensée unique» car la seule vérité qui existe c'est «la mort» et le reste n'est qu'«hypothèse» et je ne sais pas si les religions survivront, si un jour la médecine trouve le moyen de rendre l'humain éternel.
Pensez-vous qu'on va continuer à être religieux et même croyant si la médecine trouve un remède au dépérissement des cellules de notre corps et à nous rendre «éternels»?
Pensez y, c'est peut être pour bientôt dans un ou deux siècles?
* Assistant technique en Afrique subsaharienne.