On en redemanderait presque si, au souvenir d'une révolution déjà presque oubliée, ne nous remontait comme une nausée, une époque révolue, un passé vomi et dont les ondes, en ce 7 Novembre, nous rapportaient le goût du pourri !
Par Ines Mechri*
25 ans après le coup d'Etat du 7 Novembre 1987, nombreux Tunisiens, comme frappés de ce stigmate, en marquent encore la date, certes à leur manière...
Décidément il y a bien de l'ordure dans l'air, au sens propre et figuré pour que radio Mosaïque toute la journée évoque la pourriture!
Au cours du Forum de mercredi après-midi, des citoyens se plaignent de l'accumulation des ordures dans leurs quartiers, modestes ou huppés. Ainsi cette Bizertine décrit son centre-ville en décomposition, la corniche qui exhale, non l'ambre marine, mais la puanteur des déchets ménagers jetés à même les trottoirs. Elle s'alarme des légumes du marché au voisinage de ruisselets d'égouts et se plaint des moustiques infectant son petit garçon.
Un Etat en décomposition
L'homme d'affaires Kamel Eltaief, "l'homme de l'ombre"..
Le maire de Paris Bertrand Delanoë, citoyen privilégié de Bizerte l'aura-t-il entendue pour offrir aux autorités tunisiennes des engins de nettoyage? Ils semblent être destinés à la capitale dont chacun aura vu les répugnants camions-bennes de ramassage des ordures. Sur les ondes de la même radio, des auditeurs témoignaient de ces agents municipaux cassés par la vie et par un emploi d'entretien visiblement non encadré.
Faudra-t-il rajouter toutes les autres plaintes sur ce sujet, du dégoût de la saleté à la révolte contre l'incurie municipale et à l'indignation contre l'absence de civisme de la population ?
Les pouvoirs publics jouent-ils le pourrissement de la situation pour légitimer la mise en place des fameuses délégations municipales de remplacement des anciens- élus et cela au risque de dissuader à jamais les touristes de visiter nos cités et de multiplier les foyers d'éclosion du virus du Nil à propos duquel le ministre de la Santé réclame plus d'hygiène et de propreté?
Chafik Jarraya, l'homme d'affaires "trabesisé".
Faudra-t-il faire revenir pour cette prévention l'ancien président qui avait l'obsession de l'esthétique des villes, de campagnes de nettoyage en projets d'embellissement, avec prix aux municipalités les plus efficaces et peur du gendarme à l'appui?
De l'ancien régime, en ce 7 Novembre, il était aussi question au ''Midi Show'' de Mosaïque FM: de l'ordure, toujours de l'ordure car en présence du journaliste atterré, s'étripaient sur les ondes un ex-flic devenu avocat par le mystère de notre barreau (Me Cherif Jebali, Ndlr), et ex-défenseur d'un homme d'affaires «trabelsifié» (Chafik Jarraya, Ndlr), pourtant soutien déclaré de maître Abderraouf Ayadi contre la corruption et dans tous ces titres de gloire dressé contre l'omnipotent Kamel Letaïef, représenté par son avocat. C'est que le tout puissant «homme de l'ombre» devrait être poursuivi par le sus-titré pour «complot contre la sûreté de l'Etat».
Mon dieu quelle aventure!
On est tenté de dire: «l'Etat»? C'est un Etat, ça? Ce chaos d'insécurité, cette pagaille de grèves, d'occupations d'usines, d'immobilisations de toute vie économique, cette escalade des prix, cette dégringolade du pouvoir d'achat, cet abîme d'ignorance, cette dépression généralisée, ce tunnel sans fin?
Mais sur les ondes de la radio, les deux parties n'en avaient cure, acharnées à se porter des coups au-dessous de la ceinture car il parait qu'entre les deux anciens complices du coup d'Etat du 7 Novembre, ce n'était «qu'affaires de bonnes femmes».
Au milieu de tous les Sms cités comme pièces à charge par un accusateur très introduit dans les télécommunications, il était surtout question de J.T., le journal télévisé? Mais non, «Jmaât Tata», oui, oui, voilà que nous revenait «la reine de Carthage»! Et même il était question de B.B, non pas Brigitte Bardot mais l'ex-ambassadeur de France en Tunis, Boris Boillon, accusé par le même procureur improvisé de projeter l'enlèvement du frère de Béji Caïd Essebsi pour l'échanger contre Imed Trabelsi, le fils de...
L'accusateur de service: Me Cherif Jebali.
Et ce n'est pas fini car voilà que d'une Renault Symbol (vous savez, ces voitures de location, tout un réseau !) un individu s'élance contre la femme de l'ex-flic néanmoins avocat, un poignard à la main mais qu'il plante dans le sac de la copine de la femme et blablabla et blablabla... Mon dieu quelle aventure!
On en redemanderait presque si, au souvenir d'une révolution déjà presque oubliée, ne nous remontait comme une nausée, une époque révolue, un passé vomi et dont les ondes, en ce 7 Novembre, nous rapportaient le goût du pourri !
Ce même jour, nos élus, notre classe politique, les plus en vue de notre société civile, un yaourt à la main – forcément, il s'agit de la crème! – rendaient hommage à tonton Obama de qui en partie ils tenaient leur liberté, leur dignité d'hommes et de femmes à l'échine trop longtemps ployée pour se redresser, toujours courbés à faire leurs salamalecs, pas encore droits, debout, souverains.
Mesdames et Monsieur qui savez accourir à un claquement de doigt impérial alors que vous êtes dans vos institutions si souvent en retard, si souvent absents, dépêchez-vous plutôt de nous donner une constitution, un Etat, un avenir et surtout de faire le nettoyage de toutes ces ordures.
* Universitaire.
Article de la même auteure dans Kapitalis :
Les Tunisiens des «idées bleues» au «grand trou noir» de la théocratie islamiste
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