Les Tunisiens s'investissent dans la société civile. C'est la preuve que le changement peut avoir lieu. Et que ce sont des efforts de la sorte qui amènent le pays vers une transition démocratique réussie.
Par Inès Zguidane*
Le 23 septembre dernier, les Tunisiens sont descendus dans la rue, mais cette fois-ci, pour des raisons autres que politiques. Afin de marquer la journée nationale de l'environnement, des membres de nombreuses organisations de la société civile se sont rassemblés pour nettoyer les routes et les trottoirs de la capitale, laissés pour compte depuis la révolution.
Les organisations de la société civile étaient presque inexistantes sous le régime du président Ben Ali, et celles qui existaient étaient sous contrôle de l'Etat ou d'un des partis politiques de l'opposition.
Améliorer la société civile tunisienne
Le type de militantisme auquel nous avons assisté au mois de septembre, toutefois, caractérise une nouvelle ère pour la Tunisie. Il n'aurait pu avoir lieu sans le concours d'individus remarquables, qui ont jeté un pont entre l'Etat et les citoyens.
Omar Ayari est l'un d'eux: un Tunisien tout ce qu'il y a de plus ordinaire, spécialiste en graphisme informatique et fondateur de l'Union des associations humanitaires tunisiennes (Uaht).
Cette organisation non-gouvernementale a pour but de mettre en lien les organisations humanitaires du pays, afin qu'elles coordonnent leur travail sur le terrain, à niveau national et à travers les différentes régions.
Le projet d'Omar Ayari est d'améliorer la société civile tunisienne et d'établir une relation de coopération entre l'Etat et les citoyens.
Compte tenu du climat au lendemain de la révolution, il était nécessaire de restaurer la confiance à l'égard des organisations de la société civile. Omar Ayari a donc tout d'abord créé un compte sur Facebook, regroupant toutes les organisations humanitaires de Tunisie avec un lien direct vers leur site web. En plus de rendre l'information plus accessible, le projet a donné naissance à un réseau d'organisations, facilitant ainsi la communication.
M. Ayari affirme que, si les organisations sont en mesure de communiquer entre elles, alors elles seront plus à même de collaborer et d'atteindre leurs objectifs. «J'estime que le travail humanitaire ne devrait pas être envisagé comme une compétition, mais de manière complémentaire et coordonnée, afin qu'un processus de développement puisse réellement se mettre en place.»
Ne pas perdre de vue le travail humanitaire
Le travail de M. Ayari représente pour lui une alternative à la politique d'avant la révolution. Il explique qu'«il est regrettable de systématiquement mélanger associations humanitaires et manœuvres politiques.» Il souligne que pour certains individus «la politique et l'humanitaire seront toujours étroitement liés.» Il remarque également que «les deux points de vue sont des moyens de travailler dans la sphère publique, mais qu'il ne faut pas perdre de vue l'élément philanthropique, à savoir, le travail humanitaire.»
La transition politique qui a suivi la révolution a permis à des initiatives comme celles de M. Ayari de trouver du soutien. «Aujourd'hui, nous pouvons parler de nos initiatives, ce qui était impossible sous l'ancien régime... Aujourd'hui, nous pouvons montrer ouvertement ce qui ne fonctionne pas et encourager les citoyens à s'investir dans le changement.»
Le premier exemple d'une initiative solidaire réussie est celui du soutien envers Loujain Ghazouani, une jeune victime du cancer des poumons. La jeune fille devait subir deux opérations, dont une devait avoir lieu à l'étranger. Afin de rendre cette opération possible, l'Uaht a organisé deux collectes de fonds en sa faveur et a diffusé son cas sur la toile, à la télévision, à la radio et dans la presse.
L'Uaht a travaillé sur ce cas avec deux autres associations, et a mené une campagne publicitaire intense, ce qui a conduit la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) à prendre en charge les opérations.
Cette initiative n'est qu'un exemple parmi bien d'autres, qui ont montré que la collaboration entre différentes associations pouvait avoir un plus grand impact qu'une association qui fonctionne seule. Elle a également permis de créer une société civile solide qui peut véritablement servir d'intermédiaire entre l'Etat et les citoyens – un Etat qui, dans ce cas, a répondu positivement aux efforts des citoyens.
La société tunisienne compte des réussites concrètes au lendemain de la révolution : un plus grand investissement de la communauté, l'établissement d'une société civile qui permet aux citoyens de faire part de problèmes publics de manière transparente et d'essayer de les résoudre.
Le travail de M. Ayari, à travers un réseau engagé, qui, de ce fait, permet aux Tunisiens de s'investir dans la société civile, est la preuve que le changement peut avoir lieu. En définitive, ce sont des efforts de la sorte qui amènent le pays vers une transition démocratique réussie.**
* Inès Zguidane est journaliste indépendante et étudiante dans le cadre du programme Masters of Health Communication à l'Institut de presse et des sciences de l'information (Ipsi).
** Les titre et intertitres sont de la rédaction.
Source: Service de presse de Common Ground.