La Tunisie vit un moment difficile mais historique. Le poids du passé ne doit pas hypothéquer l'avenir, pour peu que la rationalité, l'intelligence et la sagesse mènent ce pays pour des lendemains meilleurs.
Par Ezzedine Ferjani*
A lire une première réaction, sur le budget 2013, de Yosr Guerfal Akkari (''Le Temps'' du10/11/2012), appuyée sur l'expertise de Taoufik Rajhi, «expert auprès de la Bad», le conseiller économique du président de la république (est-ce la même personne?), et l'avis de Boujema Remili, de Nida Tounes, on constate globalement que la somme allouée en 2012 sera sensiblement conservée avec quelques ajustements. La journaliste prévoit une année difficile.
Défis politiques et urgences économiques
Ainsi, apparait-il, deux ans après la révolution, que les enjeux à venir de notre pays et les efforts à fournir (par toutes les composantes qui interviennent à tout niveau et dans tout secteur) restent colossaux. Bien sûr, il y a urgence d'une Constitution qui institue l'Etat de droit, d'élections les plus transparentes possibles.
Les têtes sont certainement largement focalisées sur ces deux évènements nécessaires mais non suffisants pour un ancrage nouveau de notre pays dans ses espaces environnants et surtout préparer un avenir meilleur.
Car, une conviction (et une évidence) me paraissent de plus en plus s'imposer. Cette démocratie, cet Etat de droit, cette séparation des pouvoirs, cette nouvelle place de l'individu (aujourd'hui encore assoiffé) citoyen de demain, cette dignité, cette liberté créatrice et enrichissante, ce moi collectif enfin apaisé et réconcilié avec son histoire, tant de slogans (et tant de rêves), seront l'aboutissement d'un processus plus ou moins long, plus ou moins douloureux si l'on tient compte des éléments majeurs qui entreront continuellement en jeu et de leur rapport de force.
Révolution est ainsi, d'abord et fondamentalement, évolution !
Mais alors, faudrait-il être assez naïf pour fermer les yeux, se boucher les oreilles, devant les problèmes colossaux du moment, pour dire «Attendez!», ou pour crier à tue tête : «Mon ennemi politique a tort et le paradis, c'est moi!»? Il y a bien évidemment des choix à proposer qui joueront un rôle pour le résultat des urnes (dans les conditions précises d'aujourd'hui).
Ces choix de développements qui s'imposent devraient tenir compte de l'ensemble des contraintes actuelles et des objectifs à atteindre (pour la période d'exercice précise).
D'abord, trois constatations :
- Janvier 1978 annonçait le début de la fracture sociale ;
- Janvier 1984 posait le problème grave du financement de la caisse de compensation;
- Janvier 2011 : ces deux problématiques sont exacerbées, doublées, de plus, d'autres (largement commentées).
Quelques pistes à explorer
Il incombe à la classe politique de présenter ses visions. Le poids des médias, de la société civile et de la participation citoyenne est important.
Sur la base de ce qui précède, quelques idées me semblent justifiables (et à développer largement) :
- l'encouragement des jeunes à la création d'entreprise et le soutien des Pme par une approche bancaire mieux appropriée;
- la réforme fiscale devrait tenir compte d'une lutte plus sévère contre la fraude et un allègement dans l'autre sens lié aux Pme et à la création d'emploi;
- l'investissement étranger est absolument à élargir. Tout s'y prête: technicité, langues, esprit traditionnellement ouvert du Tunisien, richesse historique, touristique et culturelle...
- une politique douanière protégeant le produit tunisien et favorisant l'exportation;
- une option concrète pour le développement de l'agro-alimentaire (des possibilités importantes existent);
- ouvrir et organiser la réflexion et les choix qui s'imposent autour de domaines cruciaux : santé, formation, recherche, culture;
- insuffler un souffle nouveau au tourisme en terme économique mais aussi social et culturel;
- une impulsion menant à des orientations environnementales modernistes (dans le cadre d'une meilleure rentabilisation de ce qui existe et d'une remédiation progressive aux problèmes récurrents).
La Tunisie vit aujourd'hui un moment difficile mais historique. Espérons que la rationalité, l'intelligence et la sagesse mènent ce pays pour des lendemains meilleurs. Que ses fabuleux atouts soient valorisés pour servir le mieux-vivre et le mieux être!
* Professeur à l'Université de Carthage.