Tunisiens, le sacrilège de la patrie nous est interditNe permettons plus aux usurpateurs le viol et le vol du pays. Ni aux menteurs de nous abuser ni à la peur de nous agenouiller. C'est par ce moyen que Ben Ali et toutes les dictatures ont sévi.

Par Dr Lilia Bouguira

 

Trop de gens brossent un tableau sombre et noir de ma Tunisie d'aujourd'hui.

Beaucoup crient à Jacques l'éventreur rien qu'en regardant ces soutanes blanches ou noires qui balayent inhabituellement notre sol depuis le départ de Ben Ali.

Beaucoup en profitent pour mansarder leurs vies et les nôtres d'intox et d'infos dans un souci aussi louche que simplet.

Beaucoup nous secouent le hochet de la contre-révolution, des touristes en danger, des femmes «liquéfiées» et tirent la sirène de l'urgence.

Beaucoup instrumentalisent notre manque de savoir-faire, notre tendance à la sur-dimension et à la panique et notre frilosité.

Beaucoup tout comme moi s'agrippent à l'arche de Noé pour essayer de traverser cette transition houleuse et tempérée.

Chacun s'essuie sur l'autre dans un débat politique haineux médiocre.

D'ailleurs, ils n'ont rien à envier à leurs prédécesseurs, des profiteurs et de vulgaires orduriers.

Ils s'oublient dans une course aux enchères vile et gourmande que tout est consigné depuis la nuit des temps dans l'étreinte serrée que nous portons à notre pays et que si nous lâchons prise, nous serions fatalement perdus à jamais.

Tout le monde trouve le moyen de s'évertuer sur la religion et Dieu mais nous oublions que l'essentiel est dans la grâce du don de soi, dans cet empressement pour venir en aide, dans ce regard porté pour construire et non défigurer.

Cultiver la haine en usant de l'épouvantail de la terreur, c'est faillir à son engagement vis-à-vis de son peuple.

Nourrir la misère de ses frères en les affamant chaque jour un peu plus, c'est faillir à son engagement vis-à-vis de son peuple.

Rendre la vengeance la seule pourvoyeuse de notre mémoire collective pour balayer toute possibilité de paix, c'est faillir à son engagement vis-à-vis de son peuple.

Vivre en disgrâce de son peuple, c'est vivre dans la disgrâce de tout sans possibilité d'appel ni de cassation.

Ce sont les hommes qui font et défont les destins.

Nous sommes dans un marathon et chaque foulée compte pour amener ce pays à bon port, pour nous faire accoster sur la rive de la libération.

Ne rien confier au hasard ni à la fatalité.

Ne rien cautionner ni colporter doit être l'hymne que nous devons répéter.

Ne rien ambitionner ni permettre sans rendre compte et justifier doit être notre priorité.

Ce pays est le nôtre et il est dans toutes les confessions et toutes les croyances interdit le sacrilège de la patrie.

Ne permettons plus aux usurpateurs le viol et le vol du pays.

Ne permettons plus aux menteurs de nous abuser ni à la peur de nous agenouiller.

C'est par ce moyen que Ben Ali et toutes les dictatures d'ailleurs ont sévi.

Notre révolution, quoiqu'on puisse dire, est une bénédiction.

Levons nos mains non pas pour la griffer et pleurer mais pour la consolider.