L'opposition syrienne, jusqu'à lors éclatée en un certain nombre de mouvements concurrents, vient apparemment de franchir une étape importante lors de la réunion de Doha.
Par Michel Roche*
Un accord a, en effet, été trouvé pour regrouper les différents mouvements dans la Coalition nationale pour les forces révolutionnaires et l'opposition en Syrie.
Cette nouvelle organisation s'est donnée pour objectif de fédérer les mouvements de résistance, de préparer les structures politiques qui devront se mettre en place en Syrie et de représenter l'opposition vis-à-vis de la communauté internationale. Elle a un président Ahmad Moaz al-Khatib et deux vice-présidents; un troisième devrait être désigné pour représenter les Kurdes.
Le Conseil national syrien (Cns) a désormais perdu sa légitimité
Le résultat le plus notable est le rééquilibrage opéré entre les différentes composantes de l'opposition. Le Conseil national syrien (Cns), dont la prééminence était contestée, a désormais perdu sa légitimité à représenter seul l'opposition ce qui constituait une exigence des mouvements rivaux pour participer à la Coalition. Ceci a été obtenu grâce aux efforts conjugués, et très visibles, des Etats-Unis et du Qatar. Mme Clinton s'est personnellement engagée pour «rétrograder» le Cns et l'ancien ambassadeur américain à Damas a joué un rôle déterminant lors de la préparation de la réunion et durant les discussions.
Mais les discussions ont été difficiles de l'avis de tous les observateurs, au point que les trois principaux mouvements d'opposition intérieure ont un moment décidé de se retirer des travaux pour revenir ensuite sur leur décision. Ceci explique que l'accord en 12 points agréé le 11 novembre ait un contenu limité à l'énoncé des grands principes. Il comporte essentiellement un engagement d'abattre le régime et le refus de toute discussion avec lui.
En revanche, l'organisation d'un gouvernement provisoire est repoussée à plus tard; il en est de même pour la formation d'un commandement unique.
François Hollande reconnaît la Coalition nationale pour les forces révolutionnaires et reçoit son représentant.
Un certain nombre de postes sont encore à pourvoir au sein de l'organisation de la Coalition; et plusieurs mouvements qui n'étaient pas à Doha manquent encore à l'appel.
Lors de la réunion la Coalition aurait également reçu des engagements de livraisons d'armes. Même si rien d'officiel n'a été publié, ce point est déterminant pour les organisations syriennes.
La Coalition a été reconnue par les états du Golfe au cours d'une réunion du Conseil de coopération des États arabes du Golfe (Cceg). La reconnaissance de la France a été annoncée par M. Hollande, lors de son intervention télévisée le 13 novembre et M. Moaz al-Khatib est attendu à Paris. La Turquie vient également de reconnaître la Coalition.
Américains et britanniques dans l'expectative
Depuis, il n'y a pas eu de progrès sur le plan de la reconnaissance internationale: de manière remarquée ni les Etats-Unis ni la Grande-Bretagne ne se sont engagés, se limitant à confirmer leur appui à la Coalition tout en indiquant qu'elle devait encore faire ses preuves avant de pouvoir être reconnue comme le seul représentant légitime de l'opposition. Washington a annoncé un don de 30 millions de dollars; cette somme est toutefois relativement modeste (elle correspond à environ 5 jours d'aide américaine à Israël).
La Ligue arabe, qui s'est réunie au Caire au lendemain de la réunion de Doha en présence des ministres européens, a publié une déclaration appelant au soutien de la Coalition, mais sans aller au-delà en dépit de l'activisme du Qatar; deux pays, l'Irak et l'Algérie, s'y seraient opposés. La Ligue arabe a décidé également le maintien de ses observateurs en Syrie.
Comme on pouvait s'y attendre, la Russie et la Chine ont contesté la représentativité de la Coalition. Moscou, qui s'est plus particulièrement mis en avant, a rappelé sa position de base selon laquelle la solution devait passer par le dialogue avec le pouvoir, ce que l'accord signé à Doha rendrait impossible. La question de la fourniture d'armes à l'opposition est également essentielle pour les Russes et M. Lavrov qui se trouve actuellement en Arabie saoudite pour une rencontre avec les pays du Cceag n'a pas non plus abandonné l'espoir de faire revenir l'Iran dans le jeu.
Enfin ceci ne met pas un terme à la mission du médiateur des Nations Unies, M. Brahimi. Celui-ci va ainsi pouvoir continuer à faire entendre une voix qui n'est en accord avec les Occidentaux et leurs partenaires du Golfe, notamment sur la question du «dialogue» avec le pouvoir.
* Consultant indépendant, associé Groupe Vigilance Jfc Conseil.