L'un des précieux acquis de la Tunisie, l'école de la république, est en train de péricliter et de sombrer dans le néant et le chaos : fraude, grève, violence, drogue...
Par Karim Ben Slimane*
Nous sommes et avons toujours été fiers et reconnaissants à l'école de la république qui a joué un rôle primordial dans l'éveil moderniste des Tunisiens.
Véritable ascenseur social et rempart contre l'obscurantisme, l'école de la république est une pièce maîtresse dans le socle de la tunisianité.
Les lycéens qui carburent à la «zatla»
L’école de la république est en train de péricliter et de sombrer.
Aujourd'hui, l'école va mal et pour une fois ce n'est pas la faute des islamistes. Grèves à répétition, sit-in absurdes, fraudes, agressions et pour couronner le tout de la «zatla» (drogue) pour égayer une ambiance de plus en plus lourde.
Selon Lassaâd Yacoubi, secrétaire général du Syndicat général de l'enseignement secondaire (Sges), interrogé récemment par Shems FM, 40% des lycéens tunisiens carburent à la «zatla».
Jadis, quand j'étais lycéen, on se mettait à faire la prière pendant la semaine bloquée des examens croyant que Dieu verra d'un bon œil notre dévotion et qu'il augmentera nos chances dans l'examen. Aujourd'hui les jeunes ont une recette différente: la «zatla», autre temps autre mœurs.
Un prophète mal-aimé, mal-nourri et agressé
Toujours selon Lassaâd Yacoubi, rien que dans la région de Sfax, 30 lycéens ont été virés de leurs établissements et du système scolaire public l'année dernière pour avoir consommé de la «zatla». On n'est pas au bout de ses peines quand on apprend aussi, selon les mêmes sources, que deux enseignants se font agresser physiquement et verbalement chaque jour.
Jadis ascenseur social et rempart contre l’obscurantisme.
Le grand poète égyptien Ahmed Chawki aimait à dire que «l'enseignant aurait pu être un prophète». Dans l'école de la Tunisie d'aujourd'hui c'est un prophète mal-aimé, mal-nourri et méprisé.
Si l'école de la république continue sa descente en enfer, ne vous faites pas trop d'illusion, elle trainera dans son sillage tout ce qu'il y a de précieux en Tunisie. Entre ceux qui se désolent de voir l'école agoniser sans broncher et ceux qui se délectent de voir le symbole le plus fort de la Tunisie moderne de Bourguiba s'étioler, notre culpabilité est manifeste.
Grèves à répétition, sit-in, fraudes, agressions et pour couronner le tout de la «zatla».
Quelle est longue cette agonie, y aurait-il une âme charitable pour abréger ma souffrance et euthanasier ma tunisianité, comme ça je serais moi aussi insensible à ce chaos et je détournerais moi aussi le regard quand dans chaque coin de rue on viole et on piétine la tunisianité.
* Spectateur engagé dans la vie politique en Tunisie.