Les Tunisiens dans le chemin de la convergenceLes citoyens démocrates, volontaires et honnêtes, doivent tracer, dans la crise, le chemin de la convergence et de la réconciliation, afin que la Tunisie se renouvelle dans l'union, le progrès et la paix.

Par Kamel Tmarzizet

 

La Tunisie vit une épopée politique qui a un revers: l'exploitation, le chômage endémique. La croissance pâtit du contexte économique national dégradé, de la montée des inégalités sociales et des dégâts environnementaux considérables, autant de motifs, qui nourrissent la contestation populaire. Le rééquilibrage s'impose.

Une population révoltée par le laxisme de l'Etat

Le climat politique est d'autant plus tendu qu'une prise de conscience d'une revendication collective s'est accrue, depuis les derniers mois riches en événements parfois scandaleux.

La population est lasse de ces actes odieux abusifs des Salafistes. Animés par le wahhabisme, les fils spirituels du cheikh Ghannouchi cherchent à imposer, à coup de sabre, un dogme délétère d'une secte de scénites, qui est la plus sclérosée et qui fait obstacle à la réflexion. A la confrontation d'idées et à la destruction systématique des monuments cultuels et des richesses patrimoniales d'un passé très lointain, se greffent la spoliation et les agressions gratuites.

Conjugués, ces éléments ont ouvert la voie à de nouveaux soupçons au cœur de la population, révoltée par le laxisme de l'Etat et en l'occurrence du gouvernement, qui n'a rien fait de concret pour mettre fin aux agissements illicites, à l'injustice sociale et aux disparités de revenus entre riches, classe moyenne et masse populaire, qui survit dans une extrême pauvreté suscitant de graves tensions!

Les Tunisiens se sentent de plus en plus frustrés par l'attitude des responsables politiques et le manque de transparence, qui les affectent au quotidien et qui augmentent leur sentiment qu'ils sont dupés.

Il n'est plus un mystère pour personne que jusqu'à présent rien de sérieux n'a été entrepris par le pouvoir, sinon que le gouvernement distribue de l'argent sans production en échange, sinon de l'inflation, un niveau de vie artificiel et en un mot une bulle spéculative immobilière.

Des associations caritatives menacées de disparaître

On n'a plus besoin de se convaincre de l'ineptie de cette politique avortée qui engendre bien des malheurs dans plusieurs régions, où moult associations caritatives, dépourvues de moyens financiers et d'aides en subsides, sont sur le point de cesser leur activité scolaire et humanitaire, faute de subventions!

Synthétisant les faits, le responsable du centre de l'Utaim d'El-May-Midoun-Jerba a qualifié cet événement malheureux d'un abandon douloureux qui laisse place à la précarité, à l'ignorance des jeunes élèves pauvres, et notamment des handicapés. La colère est jupitérienne! Et l'on s'interroge sur les conséquences de ce drame humain. Qui s'occupera désormais de ces jeunes handicapés abandonnés à leur triste sort? C'est pathétique.

Ce qui a aggravé la politique actuelle, c'est la mise en œuvre de la personnalisation du pouvoir, qui a structuré la course aux postes clefs, et les enjeux du pouvoir politique, qui se substituent sans cesse, à la bataille d'idées.

Ainsi, on a fait fi de la participation active de la population à la vie politique, à la gestion des collectivités en général. D'où l'immense erreur du pouvoir qui semble résulter de la fatuité de certains responsables, qui continuent de penser qu'ils ont la capacité de résoudre, à eux seuls, les problèmes émergeants. Cette faute est le corollaire de leur exercice décevant en matière de gouvernance, et surtout de l'oubli que seule la participation de tous, au pouvoir de décision politique et d'orientation de la société, est le plus fort facteur de cohésion sociale et de dynamisme. S'ajoute à cela, la diabolisation inhérente à l'attitude ambiguë de ceux qui s'engouffrent dans le vide créé par la révolution.

Longtemps, le peuple tunisien a cru aux promesses

C'est cette situation absconse qui met en jeu le développement du pays, et qui crée par là-même, la complexité croissante des rapports sociaux et moult crises systématiques.

Cette problématique appelle des réponses concrètes pour la construction d'une société tolérante, plus fraternelle, plus respectueuse des droits d'autrui et de l'environnement.

Longtemps, le peuple tunisien a cru aux promesses faites (non tenues hélas!) pour assurer à tous les citoyens leur libre choix et permettre de discuter avec les décideurs les projets qui répondent aux objectifs de la révolution, à l'intérêt commun et à la cohésion sociale.

Nous sommes tous conscients de la réalité dans laquelle notre pays est plongé... Mais le dilemme c'est que la conscience des citoyens doit, après la mutation post-révolution, être remodelée, d'autant qu'on a tous besoin d'information et de formation pour maîtriser notre destin, pour construire un destin commun fondé sur la compréhension et la solidarité, sur l'équité et la justice sociale, sur le respect d'autrui et de ses droits et enfin sur l'ouverture au monde et aux autres cultures et civilisations. Et pour ce faire, il est impératif de favoriser l'émergence autant d'une culture progressiste que de médias pluralistes, libres et indépendants des groupes de pressions.

On a signifié plus haut que la Tunisie souffre d'un désordre et d'une anarchie sans précédent rendant la situation très délicate... Dès lors, il ne s'agit plus pour tous les Tunisiens de passer leur temps à présenter, pour dénoncer les autres, des arguments politiques, qui sont loin d'être nobles, et à critiquer ce qui est arrivé, hélas, mais de passer à l'action et de tabler le succès sur la thématique: l'union fait la force !

Dans tout cela, l'Ugtt s'efforce de jouer un rôle de syndicat, d'être indépendante. Alors que la conception de ses militants de gauche prend un tout autre relief. Ceux-ci veulent intervenir dans la vie politique en tant que contre-pouvoir, et se mobiliser dans la bataille politique contre le programme néolibéral d'Ennahdha qui persiste dans sa conception.

Certes, L'Ugtt a tenté de réunir les partis politiques en vue d'unifier leurs efforts. Des pourparlers et des discussions entre plusieurs mouvements ont été à peine amorcés... Apparemment, seul Nida Tounès, ce parti inspiré des principes du Néo-Destour de tendance bourguibienne, a eu jusqu'ici l'opportunité de rassembler un nombre non négligeable d'adhérents venant d'horizons divers.

Pour l'heure, seul Nida Tounès constitue un front large d'opposition patronné par M. Caïd- Essebsi, une figure du régime du président Bourguiba et activé par Taieb Bacouche.

Chercher la voie de la convergence et de la réconciliation

Il n'est donc pas superfétatoire de dire et d'insister sur le fait que la véritable solution pour un avenir meilleur réside dans la nécessité d'une formation de groupes de travail rassemblant femmes et hommes de toutes les tendances: leaders politiques, intellectuels, syndicalistes, militants progressistes et sans oublier surtout les jeunes, cette force vive et ces futurs cadres et leaders, dont le rôle est capital dans la réalisation des objectifs de la révolution du 14 janvier.

L'objet de ce rassemblement, dans la cohésion et la solidarité, consisterait à éviter les débats stériles et à réunir le plus grand nombre de participants, afin d'entamer sérieusement, sans interventions venant du dehors, un dialogue intérieur et un discours qui ramènent à la réflexion et à l'autocritique.

Il devrait en résulter, après discussions et concertations, un consensus conceptuel visant à construire un mouvement démocratique et progressiste, capable d'effacer l'ineptie de toute politique au visage théo-oligarchique, et de répondre aux aspirations légitimes du peuple; celles de fédérer les forces vives de la nation et les propositions pragmatiques des leaders politiques probes pour un rassemblement qui converge vers une Tunisie libre, souveraine, démocratique, sociale, juste et écologique.

Disons au terme de cet article, qu'il est temps de sortir de cette situation confuse liée à la conception consumériste et non aux citoyens militants démocrates progressistes!

Pour nous, il n' y a pas d'autres voies et alternatives pour relever les défis auxquels notre pays est confronté que l'union nationale associée à une véritable démocratie participative active; une démocratie au cœur de la gouvernance, qui s'articule autour d'un programme politique global cohérent et constructeur d'autres rapports socio-économiques et d'autres institutions démocratiques pour une nouvelle république parlementaire fondée sur les libertés et le développement de la tolérance dans tous les domaines et à tous les niveaux...

Telle est notre conception de citoyens clamant un système représentatif, reconstruit et revévifié, repensé et refondé sur la séparation du pouvoir législatif du pouvoir exécutif... Conception qui suggère somme toute que l'on rétablisse la confiance et l'engagement. Deux facteurs qui encouragent et stimulent la volonté des citoyens, femmes et hommes, à s'engager dans la lutte, et à afficher par là-même, leur participation active et déterminée à l'action collective, à la vie politique, à l'effort permanent nécessaire.

Aussi dit-on, en revanche, que malgré le marasme politique et socio-économique, l'on ne doit pas déprimer et se laisser aller au pessimisme, le fils de la peur ! Nous n'avons rien à craindre, du moment que des citoyens démocrates, volontaires et honnêtes tracent, dans la crise, le chemin de convergence et de réconciliation, la Tunisie se renouvellera dans l'union, le progrès et la paix.

Jerba-Midoun, novembre 2012.