Absences chroniques, invectives tout azimut, querelles de chameliers, clowneries, trafic de votes, et, pour couronner le tout, mépris à l'hymne nationale. Peut-on descendre plus bas dans l'irresponsabilité?
Par Tarak Arfaoui
L'Assemblée nationale constituante (Anc), qui est la plus haute institution du pouvoir politique en Tunisie, mandatée par le peuple essentiellement pour rédiger une nouvelle constitution, a malheureusement dévié de son mandat et s'est progressivement transformée au fil des jours en une foire d'empoigne, un véritable bazar médiatico-politique, engluée dans des discussions byzantines où la médiocrité de certains acteurs et leur totale inconsistance s'est progressivement transformée en filouterie et en indécence.
Lobna Jeribi en flagrant délit de trafic de vote
Je ne reviendrai pas sur la teneur des débats, qui ont rapidement perdu leur essence politique, se transformant en des invectives tout azimuts et en des querelles de chameliers, ni sur la totale inconsistance de certains intervenants et parfois leurs clowneries, ni sur la légendaire mollesse du président Ben Jaâfar transformée en une quasi indifférence, une lassitude criarde, voire une quasi démission inavouée.
Bloc Ennahdha à l'Assemblée nationale; tous derrière le gouvernement
Je voudrai crier ici mon désarroi devant deux situations récentes gravissimes qui ont marqué à mon avis d'une pierre noire l'histoire de l'Assemblée nationale constituante et qui ont révélé au grand jour le degré de déliquescence dans lequel s'est embourbée cette institution qui n'a plus rien de vénérable.
Je cite, en premier lieu, le tour de passe-passe pratiqué par l'élue d'Ettakatol, Lobna Jeribi, attrapée la main dans le sac en flagrant délit de trafic de vote, un délit de la plus haute gravité, balayé d'un revers de la main par ladite élue, qui a eu en plus l'outrecuidance de le reconnaitre officiellement voire de le justifier tout en essayant d'impliquer honteusement ses collègues qui l'ont ouvertement démentie.
Après ce grave dérapage, passé sous silence, par souci de corporatisme, par la présidence de l'Assemblée, il est légitime de se demander que fait encore cette élue à l'Assemblée nationale en ayant perdu toute sa crédibilité? Y a-t-il une attitude plus grave que le trafic de vote pour la pousser à démissionner?
Lobna Jeribi vote à la place de deux de ses collègues
Le mépris des députés d'Ennahdha aux symboles de l'Etat
Le deuxième événement, peut-être encore plus grave, concerne certains élus de la constituante, en majorité du mouvement Ennahdha, qui, au cours d'une récente séance à l'assemblée, ont signifié sans aucune vergogne tout leur mépris envers l'hymne nationale par leur attitude dédaigneuse en l'ignorant totalement alors que la majorité des présents l'ont entonné, et en restant assis la bouche cousue dans une attitude de totale mépris pour ce haut symbole l'Etat tunisien.
Cette attitude est d'autant plus grave, injustifiée, inadmissible quant elle vient de la part d'un haut fonctionnaire de l'Etat, l'un des principaux conseiller de la présidence de la république, en l'occurrence Samir Ben Amor, député du Congrès pour la République (CpR), qui, par son attitude, a déshonoré aussi bien sa citoyenneté que le poste politique qu'il occupe. Sous d'autres cieux, ce comportement scandaleux l'aurait définitivement rayé du paysage politique, mais révolution oblige, force est de constater que tous les travers sont désormais permis.