Les islamistes envoient déjà des signaux attestant qu'ils ne comptent pas céder le pouvoir à l'issue d'élections démocratiques. Seule une forte pression de la rue pourrait les déloger et instaurer une réelle démocratie.
Par Moez Ben Salem
Depuis le 23 octobre 2011 et l'arrivée des islamistes au pouvoir, bien des choses ont changé dans le paysage politique tunisien.
Il y a eu d'abord cette déliquescence des 2 appendices d'Ennahdha, à savoir le Congrès pour la République (CpR) et surtout Ettakatol, qui ont profondément déçu ceux qui ont voté pour eux.
Ensuite, il y a cet échec total d'Ennahdha à diriger le pays, en raison de l'incompétence et de la mauvaise foi de ses dirigeants. Conséquence: ce parti déçoit énormément, même parmi ses inconditionnels.
Reconfiguration de l'échiquier politique
Sur un autre plan, certaines formations politiques, nouvelles ou anciennes, comme le Front populaire, le Parti républicain (Al Jomhouri), la Voie démocratique (Al Massar) ou l'Alliance démocratique, se positionnent dans l'échiquier politique. Mais le fait le plus marquant est sans doute la montée en puissance de Nida Tounes, parti nouvellement créé par l'ancien Premier ministre Béji Caïd Essebsi, qui est en passe de détrôner Ennahdha en tant que première force politique en Tunisie.
Néanmoins, il me paraît illusoire de croire que les islamistes d'Ennahdha pourraient quitter le pouvoir par les urnes.
Seule la rue pourrait chasser les islamistes du pouvoir en Tunisie
D'abord, les islamistes ne croient pas en la démocratie, qui n'est pour eux qu'un moyen d'accéder au pouvoir. A ce propos, il faudrait se rappeler des propos du numéro deux du Front islamique du salut (Fis) algérien, Ali Belhadj, qui avait déclaré juste après la victoire des islamistes algériens aux élections de 1991 «aujourd'hui prend fin la démocratie».
De ce fait, ils vont tout faire pour créer un climat d'instabilité qui ne serait pas propice à la tenue d'élections. Ensuite, si ces élections devaient avoir lieu, ils feraient tout ce qui est en leur pouvoir pour en falsifier les résultats.
Ennahdha et la crainte de la redevabilité
A cet égard, les nominations de gouverneurs, de délégués, de chefs de délégations spéciales, ne sont que le prélude à une opération de falsification à grande échelle des résultats des élections; sans oublier qu'ils tout fait pour retarder la réactivation de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) et qu'ils s'opposent farouchement à ce que les trois ministères régaliens (Intérieur, Justice et Affaires étrangères) soient confiés à des personnalités indépendantes.
Par ailleurs, de par leur gouvernance catastrophique, les islamistes ont conduit le pays au bord de la banqueroute et n'ont réussi qu'à aggraver la fracture sociale; de ce fait, ils savent pertinemment que s'ils quittent le pouvoir, ils risqueraient d'être poursuivis et jugés, en cas d'arrivée d'un nouveau pouvoir démocratique qui instaurerait une justice indépendante.
Ceci sans oublier que les graves violences policières à l'encontre des citoyens tunisiens, comme ce fût le cas le 9 avril à Tunis ou plus récemment à Siliana, pourraient coûter à leurs commanditaires des poursuites judiciaires, voire une comparution devant la Cour pénale internationale (Cpi).
Pour ces raisons, je suis intimement persuadé que seule une forte pression de la rue serait capable de chasser définitivement les islamistes et d'instaurer une réelle démocratie, seule garante de la réalisation des aspirations du peuple tunisien, à savoir: la liberté, l'égalité, la justice sociale.
Les douloureux évènements qui se sont déroulés à Siliana ont fait profondément vaciller Ennahdha et ses deux reliquats appendiculaires. Il y a fort à parier que les soulèvements populaires ne vont pas s'arrêter et vont s'étendre à d'autres régions du pays.
La vraie révolution est à venir... prochainement.