Articles, tribunes et quasi-cris (!), écrits par les porte-voix du sionisme francophone, résonne comme une certaine peur de l'avenir, une amertume, un quasi aveu de faiblesse et de défaite d'Israël. Faut-il s'en plaindre?
Par Nizar Chabbi
Comme nombre d'internautes tunisiens dégoûtés de l'actualité nationale ces derniers temps, et face à la pléthore d'informations et de désinformations qui nous submerge, je suis revenu comme qui dirait à mes fondamentaux : ce qui se passe dans le monde.
Ce sujet, cette plaie ouverte à jamais, cette braise qui ne cesse de brûler le cœur de tout Arabe et de tout musulman qu'est la Palestine. Mais aussi ce sujet qui nous met tellement mal à l'aise avec notre résiduelle communauté juive tunisienne. A cette communauté ô combien active sur le net (mais pas uniquement), et qui souvent a malheureusement fait son choix dans ce conflit, ouvertement ou plus prudemment, j'aimerais, après avoir lu pas mal d'articles sur la reconnaissance de l'Etat palestinien par l'assemblée générale de l'Onu, dire ce qui suit.
L'hystérie des pro-israéliens?
Pourquoi cette hystérie parmi tous les pro-israéliens? Ne clamaient-ils pas si fort, depuis les accords d'Oslo, qu'ils étaient pour la création d'un Etat palestinien? Où sont aujourd'hui les Gilbert Naccache, Abraham Serfaty et les Simone Lellouche? Ou bien n'était-ce que diversion pendant que la politique du fait accomplit se poursuivit?
Cette reconnaissance est une victoire de la diplomatie palestinienne, et 138 états pour, 9 contre, et une quarantaine d'abstentions parfois «forcées», est bien une victoire en ce sens où il s'agit d'une réelle gifle à l'Etat d'Israël, une première défaite diplomatique, qui vient succéder à une défaite médiatique qui dure depuis au moins une décennie.
Abbas-Ban Ki-moon, la diplomatie palestinienne marque des points.
Il suffit de voir les sondages d'opinion en Europe ou même dans les deux Amériques, contrées autrefois considérées comme acquises à la cause israélienne pour en avoir le cœur net. Israël s'est retiré du Sinaï, et en contrepartie de cela, il a gagné quatre bonnes décennies de «paix» à ses conditions avec l'Egypte, ainsi que d'une bonne, dévouée et loyale collaboration de la part des autorités égyptiennes sous Sadate et Moubarak. Situation qui lui permit d'avoir les mains libres face à ses autres voisins récalcitrants : Libanais, Syriens, et surtout Palestiniens.
Se fourvoyait celui qui crut que cet état de fait allait perdurer ad vitam aeternam.
Israël s'est retiré du Sud Liban car son occupation commençait à lui couter cher, en hommes, en argent et en image. Et gageons qu'après une bonne décennie de renforcement du Hezbollah au Liban, il serait encore plus difficile à Tsahal de l'envahir de nouveau qu'en 2006 ou même d'envahir la plate et minuscule bande de Gaza.
Les «8.500 pauvres colons israéliens évacués de Gaza»!
J'ai lu ces derniers temps pas mal d'article concernant les «8.500 pauvres colons israéliens évacués de Gaza»... ça prêterait presque à sourire (jaune) si on ne savait pas que la vie de plus d'un million de Palestiniens était rendue quasi impossible pour que les ô combien précieux mais néanmoins illégitimes et illégaux 8.500 colons puissent vivre en parfaite sécurité. Encore un témoignage du sentiment de supériorité ethnique sous-jacent au sionisme.
Céline, dans son détestable antisémitisme, n'avait pas totalement tort.
Les Palestiniens célèbrent l'octroi à leur pays du statut de membre observateur aux Nations Unies.
A lire certains articles de quotidiens et hebdomadaires français, pro-sionistes par conviction, par intérêt ou par menace, cela me renvoie directement à la correspondance entre Theodor Herzl et Cecil Rhodes. Ainsi, Herzl soulignait, en vrai visionnaire, que les populations juives en Palestine et européennes en Afrique du Sud seraient confrontées un jour aux même type de conflit, et que l'essence même de l'Etat juif encore en gestation alors, serait la colonisation et le maintien de la structure sociale favorable aux colons par le biais de l'avance technologique et financière éternellement en faveur de l'élément occidental, et d'une répression sans merci.
L'assurance, l'arrogance, le «sûr-de-mon-bon-droit» des sionistes de diverses obédiences et divers horizons seraient donc réellement infinis?
Serais-je un dangereux antisémite, islamo-fasciste brun-vert, révisionniste... en me posant la question?
Incitation à la guerre journalistique
J'ai même lu le terme «Pogrom diplomatique» pour qualifier le peu de soutien mondial à la position israélienne! Non! Ne rigolez pas! C'est sérieux! Voyez le terme utilisé et essayez de l'analyser. Quelle petite perle de propagande, de rhétorique talmudique, d'art et de science dans l'inversion des vérités. Il s'agit là de jouer sur l'inconscient collectif occidental. Les pogroms, massacres quai-rituels des populations juives d'Europe centrale et orientale au Moyen-âge par les autochtones christianisés, se seraient transformés, mutés, en pogroms diplomatiques. Bien pour appuyer sur la souffrance éternelle du peuple juif, et par conséquent sur la culpabilité que ces Européens se doivent de ressentir à son égard... et donc au soutien sans faille qu'ils lui doivent.
Je suis d'ailleurs étonné que l'auteur de cette... incitation à la guerre journalistique ne nous ai plutôt pas asséné un «shoah diplomatique»!... mais peut être nous le réserve-t-il pour d'autres circonstances.
Israël-Palestine: les yeux dans les yeux.
Et le pire dans tout cela est que ce genre de propagande est colporté par nos ex-compatriotes juifs séfarades de Tunisie, du Maroc et d'Algérie, absolument non atteints par la shoah et totalement étrangers au concept de pogrom! Et je défie quiconque de prétendre le contraire !
Pour en revenir à nos moutons, le fait pour Israël d'accepter un cessez-le-feu contre sa propre volonté et celle de la majorité de ses citoyens (74% des Israéliens étaient contre) est bien un aveu de faiblesse, sinon de résignation. Israël a commencé à reculer, il est vrai, sur plusieurs plans: Liban (retraite en 2000 et guerre de 2006), Gaza (retrait et cessez-le-feu de novembre 2012), et en ce qui concerne l'Iran, beaucoup de bruit pour peu d'action. Ceci est finalement peut-être pour le propre bien d'Israël mine de rien!!
Plusieurs faits tangibles, tel la montée en puissance de l'Iran, de l'allié libanais de ce dernier, des réalisations de la diplomatie palestinienne – aussi symboliques qu'elles puissent être – après plus de 60 ans d'errements et d'erreurs, et enfin avec les renversement inattendu des fronts considérés comme définitivement neutralisés tel l'Egypte, ont dévoilé le fait que la toute-puissance d'Israël commence à atteindre ses limites.
Israël désormais dos au mur... des lamentations
Désormais, douleur signifie retrait, et menace de rétorsion crédible signifie prudence. Le front du refus opposé à Israël, autrement dit l'Iran, le Hezbollah, le Hamas, la totalité du peuple palestinien et surtout la «rue arabe» sortie de son coma, ont gravi un échelon dans la dissuasion mutuelle avec Israël, à savoir ce que les spécialistes de la mémoire et de la neurologie appellent la mémoire par la douleur. Bref, le B.a.-Ba du dressage !
Les ennemis d'Israël ne seront très probablement pas en mesure de rivaliser avec celui-ci en matière militaire ni en matière de soutien international à brève échéance, mais gageons qu'à moyen et surtout à long terme, cette toute-puissance et cette assurance en soi et en ses capacités d'étiole, s'effrite lentement mais indéniablement, et trouve ses limites. Ceci préparerait peut-être le terrain à l'avènement d'un réel équilibre des forces (contrairement à ce fallacieux et criant déséquilibre qui perdure depuis plus d'un demi-siècle et que les sionistes présentent avec tout l'aplomb et le culot du monde comme «l'équilibre des forces régnant en ce moment au Moyen-Orient») comme celui existant entre l'Inde et le Pakistan, ou ayant régné entre les deux blocs de la guerre froide. En ce sens, Israël serait ramené à la raison par la force des choses.
Le fer et le feu, Tsahal et sa capacité de feu nucléaire, ne seront, et ne sont plus tout à fait depuis un moment déjà, le monopole du seul Israël dans la région.
J'ai ressenti, tout au long d'articles, de tribunes et de quasi-cris (!), écrits par les porte-voix du sionisme francophone, et lus ces derniers jours, comme une certaine peur de l'avenir, une amertume, un quasi aveu de faiblesse et de défaite.
Israël-Palestine : la solution des deux Etats ne saurait être reportée plus longtemps.
J'en suis heureux !! Non par nationalisme, ou antisionisme ou esprit pro-palestinien ou anti-israélien, mais plus par amour de la paix. Cette paix qui ne peut être atteinte parmi le genre humain que par l'équilibre des forces et de la terreur.
Puissions nous espérer que de nouvelles données sur le terrain telles l'arrivée au seuil nucléaire de l'Iran ou pourquoi pas même son franchissement, le renforcement du Hezbollah et du Hamas, et l'échec du plan qataro-saoudo-américano-turc à l'égard de la Syrie ou du moins son ralentissement, la radicalisation des rues arabes contre Israël et les Usa, puissent faire prendre conscience aux illuminés sionistes de tous bords, ivres de toute-puissance et de sentiment d'impunité, sentiment «d'avoir déjà payé et donc de pouvoir tout faire», que toute agression sera suivie de punition.
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