En suivant les évènements de Siliana, des premières grèves jusqu'au discours de Moncef Marzouki et à la mise à l'écart du gouverneur, en passant par la chevrotine de plomb, j'aimerai ajouter moi aussi mon lot de commentaires.
Par Slim Gharbi
Tout d'abord, j'ai été étonné de voir l'état de stress et de nervosité que vivent les dirigeants nahdhaouis tels Ali Lârayedh, ministre de l'Intérieur, sur Watania 1, ou Hamadi Jebali, chef du gouvernement, dans ses interventions successives. Ils nous avaient habitués à être plus de calmes.
J'avais appelé à la démission du premier dont l'incompétence s'était avérée à l'issue des évènements de l'ambassade US. Son maintien au sein du gouvernement n'est qu'une accélération de la marche du parti Ennahdha vers un suicide politique certain.
700.000 bonnes raisons de paralyser le pays
Ensuite, Je suis d'accord avec le président de la république provisoire Moncef Marzouki: «Il n'y a pas une Siliana, mais des Siliana». Cela dit, je ne suis pas d'accord sur le fait qu'un gouvernement quelconque puisse relever le défi.
Quant à Béji Caïd Essebsi, il a dit que ni Nida Tounes ni Ennahdha ne peuvent résoudre les problèmes.
On pourrait même plus loin en affirmant que même un gouvernement composé d'experts internationaux es-emploi ne pourrait résoudre l'équation des 800.000 chômeurs que compte la Tunisie. Au mieux, avec la meilleure expertise mondiale, on pourrait créer quelque 100.000 emplois/an, et encore, si la stabilité est au rendez-vous!
Donc il y aurait toujours 700.000 bonnes raisons de paralyser le pays.
C'est pour cette raison que je ne suis pas d'accord avec le président Marzouki lorsqu'il parle d'un gouvernement qui répond aux attentes de la population. Quelles attentes?! Nous avons réalisé une révolution, nous, les Tunisiens, les citoyens! Devons-nous attendre qu'une équipe politique résolve tous nos maux au prétexte que l'on a voté pour elle? C'est bien trop facile. Si les Tunisiens veulent réussir, ils doivent s'en sortir par eux-mêmes.
Le fédéralisme pour responsabiliser les régions
La solution ne passe pas par des réformes socio-économiques, et on en est loin pour le moment! Il faudra bien une à deux décennies pour que les régions intérieures déshéritées puissent bénéficier d'un quelconque résultat.
A l'heure actuelle, il faut un gouvernement de gestion des affaires courantes et qui ne promet rien de plus aux gens. La clé est dans l'Assemblée nationale constituante (Anc), et la solution qui doit être présentées aux régions est politique, institutionnelle.
N'ayons pas peur des mots: le fédéralisme est le meilleur moyen pour faire prendre conscience aux régions intérieures l'intérêt que leur porte la république. Il faut faire impliquer les citoyens, les faire participer, les responsabiliser face aux problématiques internes que subissent leurs régions.
L'autonomie des régions n'est pas une utopie, cette réforme institutionnelle est la clé de notre réussite future. On se doit de libérer notre système politique centralisé et laisser les régions s'occuper de leur budget, formation, santé, sécurité et autres questions spécifiques à leurs zones.
Il est regrettable que le projet de constitution reste très vague et que le travail en commission n'ait pas abouti à grand chose sur ces questions de pouvoirs régionaux si ce n'est la phrase très vague : «sera définie selon la loi».
On est loin de l'autonomie des régions et les députés de l'Assemblée avec qui on a eu l'occasion de discuter déplorent ces raccourcis qui pourtant traitent de l'un des premiers objectifs de la révolution: réduire les disparités régionales. Ceci ne peut être réalisé de meilleure manière qu'en instaurant la vraie décentralisation, à savoir l'autonomie.
Il est tout aussi regrettable que, dans cette phase provisoire, on ait continué la pratique de la nomination des gouverneurs que l'on pensait bannie. Il aurait été souhaitable d'organiser des élections régionales et non municipales comme le préconise le président. A l'issue de celle-ci, les gouvernorats seraient autonomes et la population serait mise devant le fait accompli. Cette première responsabilisation, comme solution politique, aurait eu un impact remarquable sur la stabilité du pays.
L'avenir de la Tunisie passe par celui de ses régions.