Israël ne peut pas espérer que les Occidentaux se contentent, comme ils l'ont toujours fait, d'exprimer leur désaccord concernant la construction de nouvelles colonies sans tirer aucune conséquence de ce désaccord.

Par Michel Roche*

 

L'Assemblé générale des Nations Unies a reconnu à la Palestine le statut d'état non membre, le 29 novembre. Ceci peut paraître largement symbolique dans la mesure où la Palestine doit encore attendre une reconnaissance de l'Onu en qualité d'Etat membre pour avoir une pleine capacité internationale. En revanche, il s'agit de toute évidence d'un tournant dans le dossier du partage de la Palestine ouvert depuis 1947.

Succès diplomatique palestinien

Le vote a été obtenu à une très forte majorité de 138 voix pour, 9 contre dont les Etats-Unis, et 44 abstentions.

Sur le plan diplomatique c'est un succès incontestable pour les Palestiniens et un revers diplomatique pour Israël qui a perdu le très large soutien dont il bénéficiait de la part de l'Europe. En effet, la République Tchèque est le seul Etat européen à avoir voté contre la reconnaissance. De plus, le vote favorable des pays arabes prive de facto Israël de l'argument selon lequel ceux-ci seraient toujours opposés à son existence.

Le Premier ministre israélien ne s'est pas trompé sur la portée de la décision de l'Assemblée générale et après avoir tenté de la minimiser dans un premier temps, il a pris deux mesures qui témoignent de la gravité de la situation telle qu'elle lui apparaît. La première, de nature punitive, consiste à retenir le reversement de taxes revenant à l'administration palestinienne pour un montant supérieur à 100 millions de dollars US. La seconde menace directement la viabilité de l'Etat palestinien; il s'agit en effet d'autoriser la construction de deux nouvelles implantations dont un quartier d'habitation de 3.000 logements, dans une zone particulièrement sensible à l'est de Jérusalem. La réalisation de ces constructions aurait pour résultat de relier toute cette zone à Jérusalem, interdisant à l'avenir la possibilité d'une continuité territoriale pour la Cisjordanie.

Israël franchit une ligne rouge

Pour que le message soit clair, une voix off en Israël a fait savoir que le gouvernement avait décidé de mettre un terme à l'accord tacite donné aux Américains selon lequel la construction était suspendue dans ce secteur pendant la durée des négociations avec les Palestiniens. C'est donc toute la communauté internationale et particulièrement Washington qui est mise devant le fait accompli.

Israël a fait le choix de franchir une ligne rouge, au risque de provoquer une crise avec ses partenaires occidentaux.

Les réactions occidentales ont été inhabituellement fermes. Washington, Paris, Berlin et Londres ont demandé à Israël de revenir sur son projet de construction. Et contrairement à ce qui s'est passé jusqu'à présent, M. Netanyahou ne peut pas attendre des Occidentaux qu'ils acceptent d'en rester là au cas où lui-même déciderait de poursuivre, ce qu'il semble avoir choisi de faire.

De son côté, l'autorité Palestinienne a fait savoir qu'elle pourrait s'adresser à la Cour internationale de justice.

Le gouvernement israélien a donc décidé d'engager un bras de fer. Sa décision peut s'expliquer par le fait qu'il se trouve confronté à une nouvelle situation et que celle-ci est loin de lui être favorable.

L'Etat palestinien existe désormais, or c'est une situation qu'Israël a toujours essayé d'éviter, notamment à travers le concept selon lequel la Jordanie serait le véritable Etat palestinien.

L'exaspération de l'administration américaine

Par ailleurs, le vote du 29 novembre a confirmé de manière particulièrement solennelle la légalité internationale de la ligne de cessez-le-feu d'avant 1967, avec pour conséquence le caractère illégal de la présence israélienne au-delà de la ligne verte du moins tant que les Palestiniens n'auront pas donné leur accord à une modification. Or ceci pourrait bien inverser – au profit des Palestiniens – les rapports de force dans la négociation, lorsqu'elle reprendra.

La situation est d'autant plus difficile pour M. Netanyahou que la position d'Israël est fragilisée auprès de ses alliés traditionnels. Son attitude durant la campagne électorale aux Etats Unis a choqué et l'opinion ne lui est plus aussi facilement acquise. Les prises de position de la secrétaire d'Etat ne laissent pas de doute sur le degré d'exaspération de l'administration américaine. De son côté l'Europe qui affiche une égale détermination est aussi confrontée de manière pratique à la question des colonies israéliennes, à travers la réglementation sur l'étiquetage des produits fabriqués dans ces colonies.

Certes l'heure n'est pas aux sanctions; mais cette fois-ci Israël ne peut pas espérer que les Occidentaux se contentent, comme ils l'ont toujours fait, d'exprimer leur désaccord sans tirer aucune conséquence de ce désaccord.

Depuis des années la colonisation constitue l'obstacle principal à la négociation; le nouveau projet israélien va plus loin puisqu'il rend illusoire la réalisation de l'Etat palestinien. Et cela les Occidentaux eux-mêmes ne peuvent pas l'accepter.

* Consultant indépendant, associé Groupe Vigilance JFC Conseil.