Noureddine Bhiri doit savoir que le temps de l'injustice est révolu et que la société civile est mobilisée pour lui rappeler qu'il n'a pas affaire à des idiots mais à un peuple intelligent qui s'est juré de combattre à tout jamais l'injustice.
Par Tarak Arfaoui
Il était clair que, du temps de Ben Ali, la justice en Tunisie était une véritable marionnette institutionnalisée entre les mains du pouvoir, afin de réaliser les vils objectifs de la caste dirigeante et pour mettre au pas les éventuels récalcitrants. Les procès expéditifs, les témoins bidons, les juges fantoches faisaient partie du folklore judiciaire national ramenant la justice à un simple outil à la merci des désidératas du pouvoir.
Une justice à géométrie variable
Malheureusement, après la révolution, le spectre de la justice à géométrie variable qu'on croyait à jamais révolu semble remontrer le bout du nez.
Depuis un an, les prémices inquiétantes du retour de la bête immonde se font de plus en plus sentir. Le simple citoyen est carrément déboussolé devant les incohérences et le dysfonctionnement de l'appareil judiciaire sous la houlette de Noureddine Bhiri, ministre de la Justice.
Petit-à-petit et au fil des évènements, on commence à fortement douter de l'équité de l'appareil judiciaire formé certes par des magistrats pour la plupart honnêtes et compétents mais dont l'exercice est entravé par une hiérarchie qui ne veut pas se débarrasser des mauvaises pratiques de l'ancien système.
Actuellement, tous les dépassements observés semblent être traités selon la couleur politique du citoyen et son degré d'obéissance au pouvoir. Les victimes du système Ben Ali sont toujours ignorées. Les snipers de la révolution sont toujours désespérément recherchés. Les criminels, notoires, se sont rapidement refait une virginité.
L'impunité contre l'obéissance
Certains barons du régime déchu au passé sulfureux sont libres de leurs mouvements, et beaucoup d'entre eux, portant une nouvelle barbe, comme passe-droit, se pavanent ostensiblement et librement dans les allées du pouvoir.
Les trafiquants à nos frontières, qui mettent à genou l'économie nationale par des fuites en tous genres, sévissent dans l'impunité la plus totale.
Les coupables des violences salafistes sont considérés avec mansuétude, aussitôt arrêtés, aussitôt libérés. Les citoyens agressés ou violés sont parfois transformés en coupables.
A l'intérieur des mosquées, un Etat de non-droit s'est implanté où l'on entend des diatribes de la plus haute gravité pénale débitées par des prédicateurs autoproclamés et qui ne ne sont nullement inquiétés.
Le ministre de la Justice, M. Bhiri, avocat de son état, défenseur de la veuve et de l'orphelin, lui-même ancienne victime des travers de la justice de Ben Ali, semble, de bonne ou de mauvaise foi, dépassé par les évènements. Il a peut-être oublié, la griserie du pouvoir aidant, que son rôle est de faire respecter la loi et non pas de faire la loi de ses convictions religieuses ou politiques ou de prendre une revanche sur ses adversaires d'hier et d'aujourd'hui.
La récente affaire Sami Fehri (producteur de télévision et patron de la chaine Attounissia, innocenté par la justice mais maintenu en prison) a mis a nus les dangereux dysfonctionnements au niveau du ministère de la Justice et a considérablement entamé la confiance des Tunisiens en cette vénérable institution
M. Bhiri doit savoir que le temps de la dictature et de l'injustice est à jamais révolu et que la société civile est toujours mobilisée pour lui rappeler qu'il n'a pas affaire à des idiots mais à un peuple intelligent qui s'est juré de combattre à tout jamais l'injustice.