Depuis la nomination du gendre de Rached Ghannouchi au ministère des Affaires étrangères, il n'y a que des histoires à dormir debout. Après cette histoire à dormir tout court, seul ou escorté, aux frais du prince, Rafik Abdessalem doit partir...
Par Inès Mechri*
Excellent Wassim Belarbi! Ce matin du 27 décembre, dans son émission ''Expresso'', le journaliste de la matinale d'Express FM conduit magistralement l'interview du ministre des Affaires étrangères Rafik Abdessalem. Dans une forme de mise en accusation insidieuse où d'interrogations candides en reprises habiles, le journaliste travaillant au corps-à-corps son interlocuteur, met ce dernier en contradiction avec lui-même et le laisse empêtré dans des déclarations non crédibles, que certains auditeurs pourraient prendre pour de vrais mensonges.
Révélée par la journaliste Olfa Riahi sur son blog, le 26 décembre, avant d'être reprise par la plupart des éditions médias, l'affaire emplit les réseaux sociaux et partout, désormais, on en fait des gorges chaudes.
Explications oiseuses, justifications pathétiques, contradictions...
Le ministre a beau crier à la campagne de diffamation destinée à nuire, au-delà de sa personne, à l'ensemble du gouvernement – c'est bien commode de se disculper en mettant tout le monde dans le même bain! –, il a bien du mal à se défendre et à convaincre au micro de Wassim Belarbi. Ainsi on retiendra de cette émission matinale, recommandée à tous les auditeurs, les flous artistiques suivants:
Rafik Abdelsalem n'aurait pas de domicile privé à Tunis, mais, quelques minutes plus tard, il déclare en avoir un, sur ses fonds propres.
Comme il n'a pas de domicile privé et lorsque des rencontres avec des homologues étrangers se poursuivent au-delà de 23 heures, «pour ne pas réveiller des proches» qui l'hébergent, et pour demeurer près de son ministère (quasiment en face de l'hôtel Sheraton), il passe donc la nuit – plusieurs nuits – dans cet hôtel, dépenses prélevées sur un fond du ministère des Affaires étrangères destiné à ces frais spéciaux. Hors les chèques tirés sur la STB à cet effet, et qui payent des factures émises au titre de l'ambassade de Tunisie à Addis-Abeba! Apparemment, M. Abdelsalem, tout en confirmant ses séjours à l'hôtel, n'explique pas ce détour pas l'Éthiopie et renvoie le journaliste à l'ambassade de Tunisie dans ce pays! Allez comprendre...
M. Abdelsalem, pour s'innocenter, déplace le problème sur le montant des dépenses faites en sa faveur sur ce fond spécial: comparativement aux autres ministres, qui bénéficient du même type de caisse spéciale, il n'aurait dépensé qu'un faible pourcentage évalué à 15 à 20%. Pourtant, à la demande du journaliste, il n'est pas en mesure de produire ni le chiffre des dépenses, ni la valeur totale de ce fond, dont il sait pourtant apprécier un pourcentage de dépenses!
Sur l'aspect plus privé, celui de l'hébergement d'une dame, à l'hôtel Sheraton et à ses frais personnels, le 18 juin 2012, jour où lui-même passe une nuit dans cet hôtel mais aux frais du ministère – et c'est la nuit la plus coûteuse –, il tombe dans le piège du journaliste en affirmant d'abord que c'est un jour de couvre-feu où cette dame – présentée comme une proche de la famille de sa mère – n'aurait pu rentrer chez elle (à son domicile d'épouse) sis à Tunis. Puis le journaliste lui ayant fait remarquer que le couvre-feu avait été levé, le 15 Juin 2012, il s'enferre en prétextant «des troubles» comme si une voiture ministérielle n'aurait pu raccompagner en toute sécurité cette personne.
Curieuse affaire tout de même, très loin de l'affaire DSK ou de l'affaire Profumo, n'exagérons rien!
Rafik Abdelsalem doit partir, c'est tout...
L'aspect privé ne saurait en être abordé que dans la mesure où il s'agit tout de même du ministre des Affaires étrangères, c'est-à-dire d'un ministère de souveraineté, dépositaire de secrets d'Etat.
On ajoutera que la question morale ne se pose que dans la mesure où ce ministre participe d'un système d'ordre moral, toujours prêt à donner aux autres des leçons de conduite.
Il reste que cette affaire surgit en pleine agitation autour d'un remaniement ministériel avec comme successeur putatif au ministère des Affaires étrangères, son collègue Samir Dilou dont le retrait ces derniers jours et le souci de ne plus porter la parole du gouvernement, pose question mais surtout avec comme candidat quasiment avoué, Hedi Ben Abbes, actuel secrétaire d'état aux Affaires étrangères et porte parole du Congrès pour la République (CpR), dont la journaliste Olfa Riahi serait proche et qui est aussi le parti du président de la république, actuellement en bisbille avec Ennahdha. Comprenne qui voudra...
Depuis la nomination du gendre de Rached Ghannouchi au ministère des Affaires étrangères, il n'y a que des histoires à dormir debout autour de Rafik Abdelsalem. Après cette histoire à dormir tout court, seul ou escorté, aux frais du prince, Rafik Abdelsalem doit partir. C'est tout...
* Universitaire.