Les croyants s'étripent en son nom : Dieu reconnaitra-t-il les siens?

Les croyants sont partagés, et parfois dans la violence et la mort. Des agnostiques et des athées, comme l'auteur de cet article préfère chercher le paradis dans l'ici-bas et trouver ainsi l'Eden avant l'Heure du Jugement.

Par Henri Diacono*

 «Tu sais Henri, Lui là haut marque tout ce que fait chacun d'entre nous et s'en rappellera ainsi le moment venu», c'est-à-dire, si je comprends bien, à la fin de notre monde cité par la Bible, le Livre de tous les Livres.

Tiens, je ne savais pas que Dieu, Allah ou Yahvé et même Bouddha, était comptable et tenait un livre de comptes. Mais par contre, je sais que mon pote à qui je dois cette remarque est loin d'être un idiot et que je continuerai à respecter scrupuleusement sa Foi.

1 milliard de «renégats, agnostiques, païens ou athées»

Mais comment alors fera-t-Il donc, le Créateur, pour trier. Pour jeter «le moment venu» les uns dans le brasier de l'Enfer, caser les autres dans le salon d'attente du Purgatoire et enfin accueillir à bras ouverts les derniers dans son Palais, Eden fleuri, le nirvana où les pommiers abondent et d'où les serpents ont été définitivement chassés?

Des chrétiens manifestent contre l'extrémisme musulman en France.

Comment fera-t-il pour reconnaître les siens dans ces hordes hétéroclites qui ne cessent de s'entretuer en son nom, revendiquant son amour en hurlant que leur foi est la meilleure. La plus saine. La «vraie Vérité»?

Inventaire religieux. Dans lequel, et il faut le souligner, ont souvent réussi à se nicher un soupçon de paganisme et des tonnes de traditions et coutumes strictement humaines.

Sur cette terre, en 2011, disent les férus de la statistique (une science à la mode) pas loin de 6 milliards d'habitants étaient affiliés à un groupe religieux... tandis qu'étaient recensés un peu plus de 1 milliard de «renégats, agnostiques, païens ou athées». Chez les religieux, on trouvait entre 2,3 milliards et 2,6 milliards de chrétiens, puis, entre 1,2 milliard et 1,6 milliard de musulmans, et pas loin de 1 milliard d'hindouistes. Le reliquat était composé d'une très grosse poignée d'autres religions ayant un lien avec le monothéisme, avec, en queue de peloton, ô surprise, le judaïsme avec à peu près 15 millions seulement de fidèles. Une toute petite armée de croyants ne pesant pas lourd face aux puissantes chrétientés et musulmanes, et qui pourtant, tout en narguant les unes, inquiètent les autres depuis bien trop longtemps.

Et alors, direz-vous où est le problème? Il est énorme dès lors que chacune des religions dominantes sont nourries par des courants de pensée et de traductions ou interprétations quelquefois contradictoires, donc de pratiques tellement éloignées les unes des autres donnant lieu à plusieurs guerres sanglantes, que le Seigneur lui-même s'y perdrait sans plus se reconnaitre. Au travers des théologiens, des philosophes ou exégètes, donc des hommes, elles ne cessent d'être en effet alimentées par des lectures différentes de livres dits saints farcis de prophéties et paraboles – du moins les principaux à savoir l'Ancien et le Nouveau Testament – écrits tout au long de six siècles en hébreu et araméen par des inconnus puis de lointains témoins-historiens (leur crédibilité prête à caution), et traduits en grec ancien puis en latin et slave, ou bien encore d'un recueil expurgé des «révélations divines devenues des lois» s'étalant sur vingt-trois ans, mis en forme par un calife, sans tenir compte, ni de leur chronologie, ni du contexte social de l'époque (le Coran).

Des juifs extrémistes veulent accaparer tout le territoire de Palestine.

Les fidèles très partagés, parfois dans la violence et la mort

C'est ainsi que les chrétiens se sont partagés (en ennemis bien souvent) entre catholiques (plus de 1,2 milliard d'adeptes en 2011), chrétiens indépendants non rattachés à une église (487 millions), protestants (443 millions), orthodoxes (239 millions), anglicans (88 millions), mormons (près de 14 millions) et Témoins de Jéhovah (7,6 millions).
Excusez du peu !

Les autres ne sont pas en reste. Les musulmans sont séparés dans trois branches distinctes, celle des sunnites (les orthodoxes et les plus nombreux), les chiites (les compagnons d'Ali le cousin et gendre du Prophète) d'où les alaouites nombreux en Syrie, majoritaires en Iran (l'ancienne Perse) d'où le soufisme et enfin les kharidjites (les protestataires).

Tout ce beau monde a formé plusieurs écoles fondées par des imams, ou théologiens et philosophes (ces derniers très actifs puis persécutés en Andalousie) comme par exemple les Malékites, très présents en Afrique du Nord dont la Tunisie et... en France et dont la foi s'est en grande partie inspirée des traditions vécues par les tout premiers musulmans. Chacune a une interprétation différente de la «sunna» (la loi) et s'est dotée de plusieurs écoles. L'une d'entre elles, la plus récente crée en opposition radicale à l'Occident à partir du XVIIIe siècle a recruté les fameux salafistes (du mot salaf, ancêtre) qui dans la violence et la mort veulent revenir à l'islam originel. Tout en conservant et se servant de la quasi-totalité des inventions et sciences... issues de l'Occident, cela va de soi.

Pas mal comme «soldats» de Dieu !

Des musulmans dénoncent les atteintes à leur religion.

Dans ce concert le judaïsme n'est pas en reste. On y trouve les orthodoxes, les rabbiniques, les réformés, les libéraux, reconstructionnistes (?), conservateurs, helléniques et les messianiques. Et ici, comme ailleurs chez les chrétiens ou les musulmans, force est d'admettre que, question relation généralement admise avec Dieu, l'homme qui veut dominer, préfère l'accommoder à sa façon en formant ses propres adeptes qui deviennent aussitôt des «dominés».
Ben, voyons !

Et si le paradis était ici-bas?

Pour ma part, je suis tranquille. Respectant à la lettre toutes les «croyances», je sais que ma liberté s'arrête au seuil de la liberté des autres avec lesquels j'aime dialoguer. Je reste sourd à ceux qui me cherchent des poux sur la tête, que je n'ai pas, et tourne le dos à ceux qui deviennent violents. Je fais partie du milliard et un peu plus de quidams qui sur cette terre ne pratiquent aucune religion connue. Je dis bien connue car, bien entendu, j'en ai une. Bien à moi et rien qu'à moi. La solitude. Au bord de l'océan. Sur une plage déserte face à un horizon sans tache humaine.

Alors là, dans le silence qui s'accommode si bien du flux et reflux de la vague, il m'est souvent arrivé (depuis l'enfance) de dialoguer avec un au-delà qui, dans le labyrinthe de mon cerveau, n'a jamais eu la forme d'un comptable et à fortiori d'un juge. Il m'écoute sans jamais me répondre. Et pour cause. Je pense qu'il ne m'a jamais entendu tout en conduisant, peut-être, mes pas. Je le remercie quelquefois et l'engueule rarement. Gentiment.

Et puis, je ne l'implore plus depuis ce jour où, inquiet à en trembler, j'hésitai à sacrifier mon adolescence au statut d'Homme. Il a du savoir me rassurer en me faisant comprendre, sans que je ne m'en aperçoive, que le paradis était ici-bas et que comme chacun, l'être humain étant individu unique, il me fallait le construire en solitaire, avec l'aide quelquefois, d'autres hommes sincères et honnêtes.

J'ai inconsciemment suivi son conseil et j'ai trouvé l'Eden avant l'Heure du Jugement.

* Résident à Kélibia.