Violence «hospitalière» et mauvaise prise en charge des malades en Tunisie

Les médecins font l'objet d'agressions répétées dans les hôpitaux tunisiens. Et s'ils se remettaient, eux aussi, un peu en cause? Ainsi que le système de santé dans le cadre duquel ils acceptent de pratiquer...

Par Dr Moez Ben Khemis

Ces derniers temps, les agressions qui se sont perpétrées contre le personnel médical des différents centres hospitaliers de la Tunisie, qu'ils soient des CHU ou de simples hôpitaux de circonscriptions, ont fait la une de plusieurs journaux écrits et électroniques.

La violence «hospitalière» n'est pas un phénomène nouveau

C'est souvent le personnel de première ligne – si on ose l'appeler comme ça – qui se trouve confronté à cette violence morbide. Ainsi médecins urgentistes, mais aussi internes et résidents, subissent au quotidien ce stress en accomplissant leurs gardes. Bien évidemment, d'autres dérapages et agressions, qu'elles soient verbales ou physiques peuvent, peuvent aussi déferler dans n'importe quel autre service et à l'encontre de n'importe quel médecin ou cadre de santé.

Cependant ce phénomène n'est pas né de la dernière pluie ou, devrais-je dire, de la dernière révolution de 2011 qui a fait basculer la Tunisie dans cette espèce de pseudo liberté âpre et brutale. Bien au contraire, ayant toujours existé, cette violence «hospitalière» n'a jamais été médiatisée de peur de nuire à l'image illusoire d'une Tunisie sereine, paisible et prospère. Image que voulaient à tout prix exporter Ben Ali et ses collaborateurs. Ainsi des agressions perpétrées à l'encontre même de chefs de services – comme ce fut le cas au CHU de Monastir et celui de Sahloul à Sousse – ont toutes été étouffées et balayées.

Les plus septiques nous diront que toute cette violence est due au manque de sécurité au sein des hôpitaux ainsi qu'à l'agressivité gratuite des patients ou de leurs accompagnateurs. Erreur monumentale. La réalité est toute autre.

Les agents de la santé manifestent contre la violence contre les services de santé.

En effet, les services et les établissements où on recense le plus d'agressions sont souvent ceux qui manquent de personnel aussi bien médical que paramédical ainsi que de moyens techniques et de logistique. Ceci est la réalité amère des services des urgences, toujours bondés de patients à qui on ne peut assurer les soins escomptés, et des hôpitaux régionaux se trouvant souvent dans un piteux état. Mais nous n'allons pas épiloguer sur ce dernier problème encore une fois.

Et le rôle du personnel médical dans tout ça ?

Le rôle des médecins et des cadres de santé n'est pas des moindre, et c'est à se demander s'ils ne doivent pas se remettre en question.

Conditions exécrables de l'attente et mauvaise prise en charge

En effet, les patients «malades» et en détresse viennent chercher les soins nécessaires à leurs maux. Ils sont – ainsi que leurs accompagnateurs – éreintés par les conditions exécrables de l'attente et la mauvaise prise en charge. L'absence d'interlocuteur ainsi que les longues procédures administratives et enfin l'attitude hautaine et impolie de certains médecins viennent jeter de l'huile sur le feu.

Incontestablement, et que ça plaise ou non, les médecins tunisiens ont oublié la politesse et le savoir-être devant leurs patients. Considérés comme de la marchandise et non comme des êtres humains, les patients et leurs familles excédées se révoltent et finissent par s'en prendre au premier venu.

Hélas, c'est la triste réalité des médecins tunisiens. Ils ont oublié tous les devoirs et l'éthique médicale qu'on leur enseigne sur les bancs des facultés.

Pour finir, et pour éviter toute confusion sur ce sujet, aucune violence ne doit être tolérée ou justifiée, et la loi doit être appliquée fermement et sans délais à quiconque ose l'enfreindre. Les médecins aussi doivent se remettre en cause et changer vite d'attitude. Ils doivent aussi assumer leur responsabilité dans la faillite de notre système de santé. Un soupçon de modestie, d'humilité et de respect de l'être et de la dignité humaine serait considéré comme un réel nouveau départ.