En marge du colloque par l'Association Vérité et Justice pour Farhat Hached, samedi, à l'Assemblée nationale française, autour des crimes coloniaux et de l'ouverture des archives sur l'assassinat de Farhat Hached, il y a 60 ans, par la Main rouge**.
Par Hédi Chenchabi*
Farhat Hached a été assassiné, il y a 60 ans, sous le régime colonial, et pas seulement en tant que syndicaliste, défenseur des droits des travailleurs, mais surtout en tant que leader nationaliste anticolonialiste maghrébin.
Comprendre le lien entre syndicalisme et patriotisme, c'est aussi saisir, à travers ce parcours singulier, le sens des attaques visant aujourd'hui le mouvement syndical et l'Ugtt. La particularité du mouvement syndical en Tunisie, avec ses hauts et ses bas, ses forces et ses faiblesses et parfois la confusion entre Parti du Destour/syndicat et Rcd et dirigeants syndicaux. Ce syndicat a toujours été une partie prenante, qui se veut, toutefois, indépendant. Tout au long de son histoire complexe, l'Ugtt a toujours veillé à son autonomie tout en apportant sa contribution à l'édification de l'Etat civil et social.
Mémoire des luttes anticoloniales
Le premier colloque en France sur l'histoire du fondateur de l'Ugtt souligne la ressemblance dans les crimes coloniaux, qui ont visé les leaders syndicaux et politiques. Il témoigne à la fois de l'importance qu'accorde l'Ugtt à ce chantier sur l'histoire et la mémoire des luttes anti-coloniales en soutenant le combat de l'association Vérité et Justice pour Farhat Hached, animée depuis 14 ans en France, par Hédi Jilani, Me Houcine Bardi et d'autres militants de l'immigration tunisienne, pour l'ouverture des archives de l'époque, rejoignant en cela l'action d'historiens, intellectuels et militants anti-colonialistes de plusieurs pays.
Par la prise en compte de cette histoire, l'Ugtt témoigne aussi, au regard de l'actualité, de la permanence d'une volonté politique de la part de certaines parties d'usurper le syndicat et de nier son histoire, en tentant parfois à cantonner l'action syndicale à des fonctions précises et en lui niant son rôle de partenaire politique pour assurer le maintien d'un Etat social et civil qui veille aux équilibres.
Tout dans l'histoire du syndicat et de son fondateur montre que nier le rôle national de cette composante de la société, c'est à la fois méconnaître son histoire et ignorer son rôle essentiel dans le processus révolutionnaire qui a conduit à la chute du dictateur et à l'engagement de la Tunisie dans la voie démocratique.
La commémoration du 60e anniversaire de l'assassinat de Farhat Hached et d'autres militants et dirigeants du monde arabe est aussi l'occasion de se battre pour l'ouverture des dossiers noirs du colonialisme français, c'est aussi l'inscription de cette histoire douloureuse dans l'histoire des nations ici et là-bas pour permettre aux générations futures d'accéder à des connaissances scientifiques sur le fonctionnement du système colonial français et sur les luttes nationales.
La haine du mouvement social et syndical
Dans un contexte complexe et de lutte pour la sauvegarde des libertés, cela signifie qu'il faut se battre encore, aujourd'hui, en Tunisie, pour que la mémoire de Farhat Hached, comme celle des militants nationalistes ne soit pas bafouée, comme nous l'avons vu le 4 décembre 2012 avec les attaques haineuses des soi-disant Ligues de défense de la révolution, en réalité, milices au service du parti Ennahdha, dominant la «troïka», la coalition au pouvoir.
Cette violence, qui a révolté la société civile et visé le mouvement syndical à un moment de commémoration, n'est pas gratuite. Elle traduit une certaine haine du mouvement social et syndical et porte en ses germes le fonctionnement des régimes autoritaires qui ont, dans toutes les histoires des peuples, cherché à bâillonner les syndicats.
Les travaux des historiens et spécialistes de l'histoire et les mémoires des luttes anti-coloniales, sociales et populaires sont d'une importance capitale pour éclairer notre peuple sur l'action singulière et collective de tous ceux et celles de ceux qui ont participé au combat pour son émancipation et pour l'installation de l'Etat civil.
Ce colloque du 12 janvier 2013 à l'Assemblée nationale française vient après celui organisé par l'Ugtt en Tunisie, il participe d'un mouvement ancien d'appropriation de nos histoires singulières et collectives.
L'action de l'association Vérité et Justice pour la mémoire de Farhat Hached vise l'ouverture des archives pour connaître toute la vérité. Il est important de souligner que ce combat est commun à tous les peuples dits «ex-coloniaux».
La France se doit d'aider les historiens, les militants associatifs, les enseignants pour que toutes les pages sombres de ce pays s'ouvrent au travail scientifique.
La Tunisie se doit de s'appuyer sur des travaux sérieux et scientifiques pour consolider notre appartenance au monde moderne et des lumières qui brillent pour toute l'humanité, au sud, au nord, au Machreq et au Maghreb.
* Militant associatif tunisien en France (Aidda).
** Le colloque s'est déroulé en présence de Houcine Abassi, secrétaire général de l'Ugtt, et de responsables syndicaux français.