Sihem Badi, une turbo ministre assoiffé de carburantA côté des bons de carburant et des billets d'avion de Mme Badi – bel exemple de ministre de la révolution , qui coûtent des fortunes au contribuable tunisien, les 6 ou 7 factures d'hôtel de Rafik Abdessalem font vraiment grise mine.

Par Sami Hilali

Lors de son audition, la semaine dernière, par l'Assemblée nationale constituante (Anc), Sihem Badi a essuyé des réactions hostiles de la part des députés du parti islamiste Ennahdha, allié de son parti, le Congrès pour la république (CpR), au sein de la «troïka», la coalition au pouvoir.

Les guerres fratricides entre Cpristes et Nahdhaouis

Ces réactions hostiles ont été interprétées comme une riposte aux fuites de documents administratifs du ministère des Affaires étrangères imputées, à tort et à raison, au Cpriste Hedi Ben Abbes, secrétaire d'Etat après du ministre des Affaires étrangères chargé de l'Amérique, de l'Asie et de l'Afrique. Ces fuites, on le sait, ont provoqué l'«affaire du Sheraton», qui a mis dans la tourmente le chef de la diplomatie tunisienne, le nahdhaoui Rafik Abdessalem.

Dans le cadre de ce combat fratricide que se livrent désormais le CpR et Ennahdha, des documents compromettants relatifs à la gestion, par la Cpriste Sihem Badi, du ministère des Affaires de la femme et de la famille, circulent sur le net, et précisément, sur la page FB de l'association ''Twensa Thed Alfaced'' (Tunisiens contre la corruption), proche des partis Ennahdha et El Wafa.

L'association, qui affirme disposer d'un dossier complet sur la corruption administrative et financière de Sihem Badi et de son ministère, a commencé par mettre en ligne, en guise de mise en bouche, une dizaine de documents sur sa page FB.

Une globe-trotteuse nommée Sihem Badi

De quoi s'agit-il?

Mme Badi, comme tous les membres du gouvernement, bénéficie d'un quota mensuel réglementaire de carburant de 40 bons de 20 litres chacun, soit en tout 800 litres. Or, malgré l'importance de ce quota, Mme Badi n'a pas hésité à solliciter, à maintes reprises, via son chef de cabinet, Sonia Ben Saida, le directeur financier Mohamed Daoui, pour un quota supplémentaire, et parfois dès le 17 du mois. En tout, elle a profité de 37 bons supplémentaires, soit un total de 740 litres dont le coût dépasse 1.000 dinars.

Ainsi, durant le seul mois d'août, la ministre a consommé, en plus de son contingent de 800 litres, l'équivalent de 11 bons supplémentaires (220 litres).

Avec une consommation de plus de 1.000 litres, Mme Badi a dû parcourir au moins 10.000 km, soit à peu près la distance entre Tunis et Tokyo, à l'autre bout du monde.

Autre abus révélé, le directeur financier attribue à sa ministre, le 19 mars 2012, 5 bons pour se déplacer à Sfax. Imaginez 100 litre supplémentaires pour un aller-retour Tunis-Sfax, soit environ 150 dinars, rien que pour le carburant alors que la moitié de la quantité suffit amplement, même en roulant en Mercedes.

Notons aussi que, pour son déplacement à Sfax, en juillet, le responsable administratif a légèrement corrigé le tir en attribuant à sa turbo de ministre «seulement» 4 bons, soit l'équivalent de 80 litres.

Pour les déplacements à Sousse, Mme la ministre s'est fait attribuer 2 bons (40 litres) en avril et 3 bons en août (60 litres).

Mme Badi a donc disposé, en une année, de 517 bons au moins, soit plus de 10.000 litres de carburant lui permettant de parcourir, même avec une consommation surestimée à 10 litres au 100 km, plus de 100.000 km, soit plus de 2 fois le tour de la terre.

Il n'est, donc pas étonnant que le propre frère de la ministre lui ait tiré à boulets rouges, lors de son audition à l'Anc, en déplorant surtout ses interminables voyages en Occident et en Orient, car, Mme Badi a fait aussi le tour du monde par voie aérienne (Doha, Téhéran, New York...).

D'ailleurs la page officielle du ministère des Affaires de la femme et de la famille indique que, jusqu'au mois d'août, la ministre a effectué pas moins de 9 déplacements à l'étranger dont 4 au cours du seul mois de février (fac-similé)

Morale de l'histoire: à côté des bons de carburant et des billets d'avion de Mme Badi – bel exemple de ministre de la révolution –, qui coûtent des fortunes au contribuable tunisien, les 6 ou 7 factures d'hôtel de Rafik Abdessalem font vraiment grise mine.