Le 14 janvier, second anniversaire de la révolution, marquant la fin du règne du despote Ben Ali et le début d'une ère de liberté et de démocratie, n'a pas été fêté dans la joie. Comme on l'a vainement espéré.
Par Dr Lotfi Benmosbah
Si je m'en tiens au dictionnaire, célébration est synonyme d'événement heureux et s'accompagne dans la plupart des cas de festivités. Et quelle plus grande célébration pour un peuple que d'avoir fait tomber une dictature, objet de tous ses problèmes et toutes ses souffrances.
Que j'y adhérais ou pas, du temps de Bourguiba comme de Ben Ali, les dates clés de leur passage dans l'histoire de notre pays étaient fêtées en grandes pompes (20 mars fête de l'Indépendance, 25 juillet fête de la proclamation de la République, 15 octobre fête de l'Evacuation...). A côté des défilés, les villes étaient pavoisées de drapeaux et de banderoles et le «peuple en liesse était dans la rue pour applaudir les héros du moment».
J'ai eu l'occasion d'être à Paris plus d'un 14 juillet et j'avoue que le spectacle m'a toujours impressionné.
Lundi, je suis descendu à l'Avenue H. Bourguiba pour voir si le gouvernement avait prévu une fête, même une toute petite fête, juste une petite manifestation de communion avec le peuple... Rien, aucune manifestations artistique ou culturelle, aucun gala musical, aucune décoration dans la rue, aucun éclairage particulier, à part cette idée de génie qui témoigne d'une grande inventivité de nos dirigeants: l'horloge de la place du 14 janvier a été recouverte du drapeau tunisien!!
Toutes les personnes rencontrées m'ont fait part de leur malaise, semblable à celui qu'ils ont ressentis le 14 janvier 2012. Il est vrai que les rues grouillaient de manifestants mais l'atmosphère était imprégnée de la tristesse de la division et non de l'osmose joyeuse d'un peuple qui fêtait sa libération.
Jusque là je pensais que ce gouvernement ne fêtait pas le 20 Mars et le 25 Juillet car il ne croyait pas en la nation tunisienne, et qu'il ne fêtait pas le Jour de l'An parce qu'il le considérait comme une fête chrétienne.
En fait, aujourd'hui, Eureka, j'ai tout (presque) compris. Nous sommes en présence d'un Etat qui est non seulement partisan et incapable de jouer son rôle de fédérateur mais aussi un Etat triste qui ne sait pas non plus faire la fête.
Demander à cet Etat de s'occuper de festivités serait comme demander à des «meddbya» (instituteurs coraniques) d'organiser une soirée dansante.