Que Mme Badi se rassure: ce ne sont pas les maquilleurs qui manquent dans l'administration tunisienne! Quant à M. Jebali, il saura fermer les yeux sur plus d'un incompétent pour sauver son gouvernement.
Par Sami Hilali
La volée de bois vert que Sihem Badi, ministre des Affaires de la femme et de la famille (Maff), a subi devant l'Assemblée nationale constituante (Anc), en début du mois, a mis en exergue le fait qu'en Tunisie plus personne n'est dupe.
Pourtant, remis de sa douche glaciale et sans doute mal conseillée par son cabinet 100% Congrès pour la République (CpR), elle a tenté, sur le dossier de sa consommation de carburant (Cf. Kapitalis), de tourner l'affaire à son avantage en offrant une image de ministre dynamique à l'écoute de la veuve, de l'orphelin, de la femme rurale (''Matinale'' de Shems FM du 17 janvier). Son cabinet a rendu public un communiqué de soutien avec une attestation donnant quitus à la ministre. A la veille du remaniement, le CpR - section Maff – a tenté de circonscrire l'affaire au plus vite en recourant à un bavardage qui ne saura résister aux faits avérés.
Punition on air ou le harakiri
Qui mieux que les membres de l'Anc pour répondre, encore, à l'autopromotion gratuite de la ministre, mais, en attendant, tout citoyen non partisan peut découvrir la mauvaise ligne de défense de Mme Badi qui pratique la «fuite en avant» et ne semble pas respecter l'intelligence de ses concitoyens ou tirer un quelconque profit des revers qu'elle subit.
D'ailleurs, le député Mohamed Ali Nasri a bien cerné le personnage de la ministre (voir la vidéo). Pour lui, «Mme Badi méconnait ses dossiers et se contente de lire ses notes en guise de réponse aux questions des députés». Les mauvaises habitudes ont la vie dure. Démonstration...
En déclarant sur les ondes de Shems FM que son subordonné impliqué dans la divulgation des données administratives sera puni, Mme Badi a commis une erreur digne des débutants.
Dans un pays où la justice est quasi-unanimement considérée comme dépendante directement du ministre de la Justice Noureddine Bhiri, les commissions paritaires, censées donner leurs avis sans ingérence du chef de l'administration, viennent de recevoir des instructions «on air» de l'exécutif. Du jamais vu! Le Tribunal administratif saura s'en souvenir le moment venu.
Un communiqué à charge
Le communiqué venant au secours de la ministre, publié sur le site web de son ministère, s'est fondé sur 3 arguments.
Un: tous les déplacements excédant 50 km sont couverts par le décret 189 de 1988 ce qui implique que le chef de cabinet considère que les 800 litres fournis mensuellement à sa ministre sont destinés exclusivement à ses loisirs ou au déplacement dans le grand Tunis et que pour les déplacements de travail en dehors du grand Tunis donne droit automatiquement à un complément. Qu'en pense Abderrahman Ladgham, ministre de la Gouvernance, et Mohamed Abbou, secrétaire général du CpR et ex-ministre de la Réforme administrative? Ont-ils eu recours au même stratagème pour augmenter leurs parts en bon d'essence? Sûrement pas.
Deux : les demandes de suppléments de bons de carburant ont été soumises à la direction financière qui les a validées (autrement dit à ses risques et périls). Ainsi, si faute il y a, c'est le directeur financier qui est le seul responsable.
Trois : une attestation signée le chef de cabinet le «3 janvier 2013» comportant une majoration forfaitaire des distances parcourues d'environ 1.500 km non visibles sur les demandes initiales publiés par la page FB "Twensa Thed Alfaced'' (Tunisiens contre la corruption) a pour seul but de ramener la consommation moyenne de la voiture de la ministre de 16,7L au 100km à seulement 13,1L, un peu plus plausible.
Recensement des «activités» de Mme Badi
Le site web du ministère, tout comme sa page FB et la page officielle de Sihem Badi ministre des Affaires de la femme et de la famille, nous renseigne sur toutes les activités de la ministre. Ce qu'on y découvre dépasse l'entendement. Serrons les ceintures...
Les déplacements hors grand Tunis de la ministre se comptent sur les doigts d'une seule main. On y découvre une ministre peu généreuse en déplacement dès lors qu'il s'agit de parcourir l'arrière pays. Et il s'agit de visites éclairs bien appuyées par des photos souvenirs. On la voit tenant un bébé ou écouter un responsable ou parader à côté d'un gouverneur ou entourée de femmes artisanes de Tozeur.
Pourtant, Azad Badi nous apprend que les femmes de Tozeur ont beaucoup de reproches à faire à leur ministre.
Le site web du ministère nous apprend que la ministre a fait l'impasse sur Gafsa, Gabes, Siliana, Béja, Sidi Bouzid, Kairouan... gouvernorats plus chauds et moins touristiques, que Lilia Labidi, sa prédécesseure au poste, a bien visités, elle, en 2011, en pleine révolution.
«Un ministère non politisé», dit-elle!
Dans l'émission ''Ness Nessma'' du 22 janvier 2013 (la vidéo était visible le 23 janvier 2013 sur la page FB de la ministre), Mme Badi nous assure qu'elle n'accepte jamais que son ministère soit politisé! Pourtant la page officielle de la ministre, en date du 5 septembre 2012, publie la photo du bureau politique du CpR. Le 14 mai 2012, la ministre publie une réflexion sur «Le bon CpRien»!
Certainement politisé avec un cabinet 100% CpR, la ministère des Affaires de la femme et la famille fait du surplace et ne semble convaincre personne, hormis le CpR, détenteur du poste ministériel, mais à l'approche des élections, ses cabinets et conseillers avec les moyens de l'administration (voitures, carburants, photocopies, site web, téléphones...) sont l'arme secrète de la «troïka» au pouvoir. D'ailleurs comment faire la part entre activité partisane et une activité gouvernementale? Que Mme Badi et ses collègues de la «troïka» se rassurent : ce ne sont pas les maquilleurs qui manquent dans l'administration tunisienne! Quant à M. Jebali, il saura fermer les yeux sur plus d'un incompétent pour sauver son gouvernement, considéré il y a peu comme le plus fort de tous les temps.
Lire aussi :
Sihem Badi, une turbo ministre assoiffée de carburant