Notre opposition parle beaucoup du dogmatisme de certaines parties religieuses, mais cette élite des néo-harkis est, à la fois, littéraliste (en quelque sorte salafiste), fondamentaliste, dogmatique, compradore et bananière!
Par Belhassen Soua
«C'est un mécanisme de défense du moi qui consiste à rejeter sur autrui des pulsions, des désirs et des pensées qu'on ne peut reconnaître pour siens.»
Telle est la définition de la projection d'un point de vue psychologique (presque la même en psychiatrie). Les leaders du parti au pouvoir sont constamment accusés de tenir un double langage. Voyons un peu qu'en est-il dans le camp adverse, notre opposition.
La liberté d'expression:
1/ Le point de départ de dizaines de manifestations, où l'on ne fait que scander des slogans anti-gouvernementaux et traiter les ministres et les présidents de tous les noms, c'est la Place M'hamed Ali. Cela relève, comme de bien entendu, de la liberté d'expression. L'une d'entre elles vient scander d'autres slogans, cela devient de l'ordre de la provocation inadmissible. «A la liberté de provocation répond la liberté d'objection», répond Bernard Pivot.
Béji Caïd Essebsi reçu par Houcine Abassi à la Place M'hamed Ali en février 2012.
L'objection de l'organisation syndicale (un parti de l'opposition radicale) s'est limitée, Dieu merci à la guerre de Troie qui n'a finalement pas eu lieu: «la grève générale» !!
2/ L'homme qui a validé, motus et bouche cousue, toutes les lois anti- constitutionnelles sous Ben Ali et n'a jamais contesté la torture et les exactions, laisse entendre que les propos de Ghannouchi sont tellement graves qu'il faut dissoudre le parti au pouvoir. Ceux des leaders de son parti à la solde des ploutocrates qui ont clairement appelé à un pronunciamiento après le 23 octobre sont anodins (le dernier en date est celui de «Ba3ith 9anat el-Hiwar»). L'instigateur d'un système électoral dont le résultat était de trouver des constituants de la trempe de Brahim Gassas et les «démocrates» de son envergure qui sont peut-être durs à la détente, n'y ont vu que du feu.
La «religion», dont se réclame Iadh Ben Achour, «la démocratie» ne s'apparenterait elle pas à la doctrine de Bakounine?
3/ Le mot «califat» de Jebali est le casus belli qui défraie la chronique des mois durant. Caïd Essebsi qui a incontestablement du bagout dit: «le legs de Ben Ali est inestimable». Il qualifie des policiers de «singes». Il cite des versets coraniques et scotomise celui qui met en garde contre le fait de ridiculiser les gens à cause de leurs noms. L'on fait en sorte comme si de rien n'était. Sa langue a juste fourché, parait-il.
Un lapsus linguae ou memoriae qui n'a rien à voir avec les théories de Freud ou de Wilhelm Wundt.
4/ L'opposition veut qu'une bonne partie de la population se défroque en faisant le départ entre le religieux et le politique. La liberté d'expression est consacrée à tous, excepté les imams qui devraient se contenter de leurs prêchi-prêcha. Les mêmes «notoriétés» refusent d'opérer une distinction entre le syndicalisme et le politique.
Caïd Essebsi accueilli par Néjib Chebbi au siège du Parti républicain, samedi 19 janvier 2012.
La déclaration universelle des droits de l'homme est un tout indivisible. Démocratie et laïcité vont de pair et partant leur adoption ne doit subir aucune forme d'adaptation. C'est à prendre ou à laisser. Dans l'autre camp, l'on s'ingénie à faire comprendre que l'islam ne se limite pas au jeûne et à la prière. Rien n'y fait. Les portugaises ensablées, on ne cesse de répéter que force est de faire le départ entre la sphère publique et la sphère privée.
Avec leur air innocent, on leur donnerait le Bon Dieu sans confession à ces gens qui plaident la cause d'un «relent» de christianisme romantique, mélangé de soufisme, courant, justement, très apprécié chez aussi bien les chrétiens que les laïcs, qu'ils trouvent bien exotique à l'instar du bouddhisme, et inoffensif puisque peu dérangeant pour les puissants, évoluant à l'intérieur des «temples» et en dehors de l'arène sociétale où se joue l'humanité.
5/ Nos journalistes militants, qui ont recouvert leur liberté d'expression de haute lutte (Ils ont même fait la grève générale !), ont pris le mors aux dents et ont frappé d'anathème Ahmed Mansour qui a commis le sacrilège de poser des questions à propos du «combattant suprême» Bourguiba.
L'indignation sélective:
1/ La Snjt (un autre parti de l'opposition radicale) qui n'a pas pipé mot quand Caïd Essebsi a carrément fermé Attounissia (sans décision judiciaire) ou quand il a arraché, au su et au vu toutes les caméras, le micro de la journaliste de la violette en jetant feu et flamme, ne rate aucune occasion pour dénoncer fermement l'immixtion du gouvernement dans les affaires de la presse qui ne cesse de nous ébahir par son professionnalisme. La présidente de l'organisme syndical des journalistes (qui n'est pas, elle-même, journaliste) a remué ciel et terre dans la célébrissime affaire «Assabah» pour destituer Lotfi Touati étant donné que tous les employés dans le journal ne voulaient pas de lui. La même présidente voulait imposer Iqbal Gharbi à la tête de la radio Zitouna au grand dam de toute l'équipe qui y travaillait.
Même motif, deux prises de position, une seule conclusion à tirer.
2/ On s'élève aussi contre l'immixtion du pouvoir juridique dans les affaires de la chaîne Attounissia, mais la grève de la faim de constituants, les plateaux télé mués en tribunaux, les sit-in et les manifestations devant les tribunaux n'en constituent pas une dans l'autre sens.
3/ Fier comme Artaban, le nonagénaire n'a eu de cesse de répéter: «Je gouverne seul!». Il accuse un gouvernement formé d'une coalition de trois partis de s'être accaparé du pouvoir!! Ceux qui ont détruit le pays pendant cinquante cinq ans contestent l'absence du développement pendant un an.
Les élus de Ben Ali et ses flagorneurs qui ont choisi la vindicte n'utilisent le terme «démocratie» que, selon leurs convenances, selon les lubies ombrageuses de leurs partis. Cela, Georges Burdeau, l'un des théoriciens de la démocratie, a oublié de l'inscrire dans les gradations doctrinales de ses théories.
4/ Quand les nouveaux d'Artagnan du journal ''Assabah'' observent une grève de la faim, les cris d'orfraie fusent, dès potron-minet, de toutes parts. Les salafistes leur emboitent le pas. Quelque chose de l'ordre de l'omerta sicilienne fait prime. Le Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt) et l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt), la Ligue tunisienne de défense des droits de l'homme (Ltdh) et les associations «civiles» qui ont mené une campagne sans précédent contre ces gens (qui ne sont pas toujours innocents) en les accusant de tous les maux dont souffre la Tunisie, n'en ont rien à battre et se claquemurent dans un silence tonitruant deux mois durant avant la mort de deux d'entre eux.
Caïd Essebsi et Néjib Chebbi au siège du Parti républicain,le 19 janvier 2012.
5/ Le jet de pierres contre les présidents de la république et de l'Assemblée nationale constituante (Anc), représentants des institutions de l'Etat, est explicable, voire justifiable. Les violences commises contre le parti Ennahdha, à Hammamet, à Kélibia et à Monastir, le barrage des routes, des chemins de fer, le kidnapping des arbitres, les sit-in arbitraires, les grèves imposées, manu militari: idem. «La violence» commise à l'encontre du parti des cris d'orfraie est assimilable à un crime contre l'humanité. D'ailleurs, on prépare des «dossiers» avant de saisir la Cour pénale internationale à La Haye !!
Le Saint-Bernard et le Léviathan:
1/ Les syndicalistes armés jusqu'aux dents sont les nouveaux saints Innocents, jadis massacrés par le roi Hérode, aujourd'hui par les nouveaux pasdarans (désarmés) d'Ennahdha, à savoir, les Ligues de la protection de la révolution (LPR), héritiers légitimes des salafistes. L'on crie alors au charron et de nombreuses voix appellent à les dissoudre. Ces «bourreaux» sévissent partout, notamment à Tataouine et à la place Med Ali où «les victimes» les ont accueillis avec les clochettes des bois (fleurs symbolisant l'affection et l'amitié).
Les négociations d'embauche des vigiles pour garantir le bon déroulement de la manifestation de Nida Tounes se font dans la rue dans un bureau en plein-air. C'est plus exotique. Et les Tunisiens qui avalent des couleuvres ont marqué sur le front «idiots».
Les assaillants du temple du syndicalisme sont des milices. Les manifestants qui ont mis Gabes, Siliana et Ben Guerdane à feu et à sang sont des citoyens «libres»!
2/ Les «bons» disent que la fin justifie les moyens quand il s'agit de se protéger des méchants (Molotov y compris), mais ceux qui, d'après quasiment toutes les théories philosophiques, sociologiques ou anthropologiques, détiennent le droit d'exercer «la violence légitime» n'ont pas à protéger le gouvernorat de Siliana (entre autres) et les institutions de l'Etat.
3/ Les mêmes personnes qui se sont élevés contre l'indemnisation des martyrs des deux ères précédentes insistent sur le fait que seuls ceux qui ont participé à la révolution du 17 décembre y ont droit. Avec les martyrs de Redeyef, l'exception confirme la règle.
Jules Renard avait peut-être raison lorsqu'il disait: «Les gens qui veulent suivre des règles m'amusent, car il n'y a dans la vie que de l'exceptionnel.»
4/ Notre opposition est contre l'intervention militaire en Syrie. La position de l'Etat est la même, mais au Mali, la même position donne de l'urticaire aux «démocrates» francophiles jusqu'à la moelle de mon pays. Et voilà que nos «realpoliticiens» se muent inopinément en «fondamentalistes» avérés.
5/ a/ Ceux qui se font du mouron pour les deniers publics étaient sourds, aveugles et muets quand il s'est agi de dépenses somptuaires du guide spirituel de la révolution Foued Mebazâa pour l'achat de services à thé! Les mêmes personnes défendent avec ardeur et impétuosité Sami Fehri qui a volé des dizaines de millions de dinars au peuple et qui est devenu l'icône de la liberté et fanfan la tulipe, victime des oppresseurs des temps modernes.
b/ Ils sortent de leurs gonds et se font du mauvais sang pour les frais du contribuable dépensés au Sheraton par le ministre des Affaires étrangères. (Tout au plus, sept nuitées en un an). Son précédent en a passées soixante en quatre mois. A cette «époque», on ne pouvait rien voir, lire ou écouter.
Les anciens n'avaient-ils pas raison de dire : «Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage», ou : «La bave du crapaud n'atteint pas la blanche colombe»?
Deux poids, deux mesures:
1/ Caïd Essebsi et ses acolytes veulent que l'on croie que les snipers qui ont tué les trois cent martyrs ne sont qu'une rumeur. Ils ne veulent pas croire que le défunt de Tataouine est mort suite à une crise cardiaque.
2/ Le parti Ennahdha a recruté, selon les dires des responsables du parti Nida Tounes, des gens du l'ex-Rcd. Ce dernier parti qui a exclu tout le monde des décennies durant a, paraît-il, toujours donné de l'urticaire à tout le monde, mais, dans le même temps, on est prêt à fourbir toutes les armes de destruction massive pour que les pauvres Rcdistes ne soient exclus de la vie politique que via l'instance judiciaire. Les Ligues de la protection de la révolution n'ont pas à subir le même traitement. Violence oblige, dit-on (sans preuves tangibles), mais force est de tirer un trait sur les crimes (politiques entre autres) commis par les responsables de décennies de répression, d'oppression et de dictature.
3/ Le Front populaire qui a mis plus de huit mois pour annoncer sa création décide, irrévocablement, juste après qu'il ait vu le jour, que le gouvernement a échoué sur tous les plans.
4/ On a les larmes dans la voix quand on parle de la femme frappée à Siliana (une histoire montée de toutes pièces) et qui à l'origine d'une grève générale à ce gouvernorat. Avec Souad Abderrahim et quand le chauffeur du bus est tombé sur le paletot d'une autre: il n'y a ni larmes ni voix. L'affaire de la femme «violée» a défrayé la chronique nationale et internationale. La mort par balles d'une femme, au vu et au su de ses petits enfants, passe sous silence. Juste un détail, cette dernière n'a pas la peau tout à fait blanche et habite à Douar Hicher, la première, elle, est résidente dans un quartier huppé de la Marsa. La militante Moufida Sellami qui lui répugnait tellement de quémander l'aide de qui que ce soit est morte dans des conditions terribles. Un silence de plomb s'est abattu sur nos médias. Bien sûr, elle est islamiste.
5/ L'enseignement du Coran et le port du voile dans les jardins d'enfants risque, parait-il, de déséquilibrer la personnalité des fillettes. La pédophilie, quant à elle, devrait rester dans l'ordre de la sphère privée! (Suivez juste mon regard, c'est un sujet tabou)
Sournoiserie ou schizophrénie?
1/ Les figures de proue de l'opposition ont estimé que la dissolution du gouvernement de Caïd Essebsi illégitime serait un mal absolu, mais ils hurlent à tue-tête leur désir ardent d'en découdre avec un gouvernement légitime.
Le dernier des Mohicans à qui on a cédé le pouvoir dans des circonstances absconses décide de mettre un terme à un gouvernement légitime.
2/ On accuse le parti islamiste de tentatives d'hégémonie et de népotisme. Le bureau exécutif du parti des accusateurs compte près de vingt personnes de la même famille. Le pouvoir au sein du parti est monopolisé par les apparatchiks.
Selon l'ex-technocrate Yassine Brahim: la révolution des laissés-pour-|comptes a été guidée par les bourgeois et c'est au nonagénaire d'exaucer tous les vœux des jeunes.
Ahmed Brahim reçoit Caid Essebsi au siège d'Al Massar.
3/ a/ Caïd Essebsi a dit que quel que soit le gouvernement au pouvoir, il ne lui faudrait pas moins que dix ans pour pouvoir faire face au désastre que lui-même avait trouvé avec ses ministres. Le sien réalise moins 2% de croissance. Quelques mois après, la même personne, qu'on ne peut toujours pas soupçonner d'Alzheimer, dit que ce gouvernement qui a réalisé plus de 3% de croissance a échoué.
b/ Il a dit et répété à plusieurs reprises qu'on ne le verrait plus après le vingt trois octobre, non seulement il ne tient pas ses promesses, mais il accuse le parti au pouvoir de s'agripper mordicus au pouvoir!!
c/ Ceux qui sont emprisonnés à Siliana sous ses ordres sont les voyous de la pègre. Suite aux récentes émeutes, ils deviennent comme par magie des innocents et réclame leur mise en liberté illico presto!
4/ L'Ugtt, qui prétend défendre les chômeurs et les incite à manifester, réclame des augmentations salariales sans précédent dans une économie saignée à blanc.
Le «parti» de Houcine Abbassi (extrême-gauche) appelle à un dialogue national sans exclusion, mais il refuse carrément de reconnaitre l'existence d'autres organisations syndicales telles que la Cgtt, l'Utt et l'Utgt.
5/ Chebbi a choisi de faire partie du gouvernement au mauvais moment. Deux fois après, il a choisi l'opposition. Les trois décisions démontrent que pour lui ainsi que pour son parti c'est l'intérêt national qui prime sur les calculs électoralistes. Le gouvernement (accusé de ne pas trouver de modus vivendi) est certes, provisoire, mais l'opposition va demeurer là ad vitam aeternam et elle va continuer son rôle de jouer les cassandre. La sagesse des ancêtres l'a pourtant confirmé dans plusieurs langues: «Le fidèle ne se laisse pas piquer deux fois dans le même terrier» et «Chat échaudé, craint l'eau froide» !
Du dogmatisme laïcard :
Notre opposition qui a fait main basse sur les étiquettes : progressistes, démocrates modernistes, dit aussi, que le terme «élite» lui revient de facto. Cette élite nous parle beaucoup du dogmatisme de certaines parties religieuses, mais elle reprend, dans le même temps, à la lettre, des thèses orientalistes. Et comme il est toujours de mise de récuser les postures et les discours moutonniers, nous pouvons dire que cette élite des néo-harkis est, à la fois, littéraliste (en quelque sorte salafiste), fondamentaliste, dogmatique, compradore et bananière. On me dirait que là, c'est facile de lancer des jugements de valeur sans analyse ni preuve. C'est pour cela justement que nous y reviendrons...
Article précédent :
L'opposition tunisienne et le principe de la géométrie variable