Pour certains sympathisants d'Ennahdha, le vote pour le parti islamiste est un choix culturel plutôt qu'un acte politique. Une sorte de vocation...

Par Med Walid Draoui*

Par les temps qui courent, je me retrouve souvent en train de chercher une réponse convaincante à une question qui n'a pas cessé de ronger mes méninges.

Pourquoi un cadre, universitaire, ayant parfois plusieurs diplômes de hautes études, dont l'«apparence» n'envoie aucun signe d'étroitesse d'esprit, menant une vie avec un standing social très décent, voire très confortable, adhère-t-il, du jour au lendemain, à l'idée d'un projet de société obtus, voire même à l'idée d'un Etat théocratique en dénigrant tout son vécu et surtout le mode sociétal dans lequel il ne s'est jamais montré en discordance?

Complexes et refoulement

L'observation a porté sur un cercle restreint de connaissances, d'amis, de membres de la famille, de voisins et de collègues. Pour tout ce beau monde et à la fin de toute discussion, changer le projet de société pour le remplacer par un autre plus «pieux» s'avère être un désir ultime.

Je passerai sous silence les arguments apparents, présentés et criés, qui se traduisent par une critique, somme toute, logique, compréhensible et défendable des aberrations qui ont pu entacher 56 ans d'indépendance, sur les plans économique, politique et social. Ces arguments sont vrais, certes, mais bons, aussi, pour justifier leurs thèses sans avoir à évoquer des raisons encore plus profondes mais personnelles, individuelles et qui semblent être plus transcendantes que celles dont tout le monde parle.

Je m'attarderai sur cet aspect individuel qu'on a tendance à occulter, un dénominateur commun à ces personnes, voire une caractéristique commune, un trait de caractère, un patrimoine émotionnel et une culture presque identique.

Généralement tout commence par une enfance dans un cocon familial où le maître à bord est un père autoritaire, imperméable et inhibant toute forme de communication en dehors des directives qu'il décrète et qui atterrissent chez une maman soumise appelée à les faire respecter sans discussion par les enfants.

Une enfance qui se traduit par l'accomplissement d'études primaires et une vie se limitant à tourner en rond entre l'école du quartier, le domicile parental et, quelquefois, de petites escapades dans le quartier en dehors d'une surveillance paternelle pénitentiaire.

A ce niveau, autant préciser que cette attitude n'est nullement l'effet d'un aspect financier précaire de la famille puisqu'il est également envisageable de faire cette observation chez les mieux nantis également. La vie va continuer pratiquement sur la même lancée pendant les années collège sauf si, des fois, un internat viendrait remplacer le domicile parental. Sinon, on continuera à supporter le même train de vie avec un nouveau facteur qui entre en jeu, l'âge aidant, qui n'est autre que ce reflexe de comparaison qu'on commencera à faire par rapport aux autres et le refoulement de complexes qui commence à s'installer progressivement.

Un train de vie monotone et amorphe

Les années des études supérieures ne dérogeront pas à ce sillage malgré l'opportunité de la vie associative, politique et culturelle qui pourrait s'offrir. Niet ! Tout se déroulera entre les bancs de la faculté, le restaurant universitaire et le foyer, universitaire ou l'éternel parental... on ne goûtera pas à la joie de s'ouvrir à d'autres horizons, d'intégrer des clubs, d'aller dans des randonnées, de rechercher des sensations fortes. Bref, de se dissocier, un tant soit peu, d'un train de vie monotone et amorphe. Inutile de faire un dessin sur les relations avec la gent féminine car c'est, purement et simplement, caractérisé par une aversion qui trouve son explication dans ce déficit de communication, la peur et le manque de confiance en soi.

L'âge adulte verra ces personnes absorbées par une carrière professionnelle et généralement, voire le plus souvent, un mariage arrangé et ce, faute d'avoir pu, par le passé, réussir à communiquer et à entretenir des relations avec le sexe opposé.

Force est de constater que tout va sembler baigner dans l'huile avec un rang social respectable, une carrière réussie, des enfants scolarisés dans les meilleures écoles, une épouse qui travaille, bref ! Profitant des délices de la vie mais au fond... les tortures psychiques persistent... les complexes ne disparaissent pas...

Une voix sur le chemin, présumé, de la délivrance

Un jour, la providence arrive... une occasion unique et inespérée pour se débarrasser une bonne fois pour toute du fardeau des complexes refoulés, des frustrations longtemps étouffées et de voir, finalement, les autres, ceux qu'il n'a jamais pu imiter, qui vont être amenés à vivre selon le même modèle qui l'a toujours hanté...

Enfin, même si ce n'est pas annoncé officiellement... il y a une très forte chance pour que ce projet de société dans lequel il s'est toujours senti crispé, sans pouvoir se métamorphoser, va probablement changer... un projet de société dans lequel il serait appelé aux autres de régresser faute d'avoir pu, lui, progresser...

Ne voterait-il pas, corps et âme pour ces nouveaux conquistadors instigateurs de ce projet? Je suis même prêt à parier que nombreux sont ceux qui n'ont même pas vu leur programme électoral mais ils se sont rués pour donner leurs voix. Une voix sur le chemin, présumé, de la délivrance...

* Cadre bancaire.