Conseil du gouvernement tunisien Honte à ceux des nôtres qui n'ont pas la dignité de Basma Khalfaoui, obnubilés qu'ils sont par leurs intérêts égoïstes et mesquins! Le peuple saura bien un jour les «Dégager» comme il a déjà à son actif d'avoir dégagé un vil potentat !

Par Mohamed Ridha Bouguerra*

 

Un vent de panique semble avoir soufflé sur notre personnel politique au pouvoir depuis une semaine, soit depuis le vil assassinat qui a coûté la vie à feu Chokri Belaïd, mercredi 6 février.

La courageuse annonce, le soir même de ce meurtre, par l'actuel chef du gouvernement de congédier les ministres relevant de la «troïka» n'a fait qu'affoler davantage les intéressés qui se sont lâchés dans des déclarations plus indécentes les unes que les autres. La décision de M. Jebali de se passer des hommes de partis et de former un gouvernement constitué uniquement de technocrates a fonctionné, pour certains, comme la menace pour un chien de le priver de son os!

Des accapareurs sans vergogne du pouvoir

Honte donc à tous ceux qui, malgré le cinglant désaveu que leur ont exprimé les innombrables foules qui ont suivi le cortège funèbre du dirigeant du parti des Patriotes démocrates, au lieu de prendre exemple sur le chef du gouvernement dans son entreprise de sauvetage du pays, continuent à considérer la Tunisie comme un butin qu'il faut se partager !

Honte à tous ceux qui, au lieu de pousser à la roue afin que l'on surmonte les difficultés du moment, ne pensent que mesquinement à leur précieux et juteux maroquins !

Honte à cette personne à qui on a confié, en principe du moins, la défense de la veuve et de l'orphelin, et qui consomme en essence autant qu'un convoi militaire en manœuvres, ose déclarer que l'opposition se trompe lourdement si elle croit qu'on va lui offrir le pouvoir sur un plateau en or!

Honte à ce ministre qui est censé se couper en quatre afin de concrétiser l'un des principaux objectifs de la révolution, à savoir la dignité par le travail utile et justement rémunéré, mais qui s'accroche à son fauteuil ministériel comme un mollusque à son rocher! Il nous a annoncé qu'il n'a pas l'intention de faciliter la tâche au Premier ministre en lui offrant sa démission, car ce fin politicien considère, le plus sérieusement du monde, qu'un gouvernement de technocrates est un «complot» contre la légalité. Et, il ajoute, sur un ton martial qu'il croit, le pauvre, de circonstance et, qu'il pense, en outre, bien lui convenir, qu'avec ses alliés d'Ennahdha, «on fera tout pour que cela ne passe pas.» Quel louable souci de la légalité... surtout quand cela coïncide merveilleusement avec les propres intérêts de l'intéressé! Qu'il y ait là, selon le proverbe, plus de profit et moins d'honneur, notre ministre ne semble pas trop s'en soucier! Que le pays soit en train de sombrer, cela, apparemment, ne l'émeut pas trop non plus. Comme il n'est pas ému par la violence politique quotidiennement exercée par des milices au nom même de cette légitimité qui lui est si chère!

Des responsables politicards ineptes et véreux

Allez parler de cette légitimité à une population lasse de l'indigne mercanto pratiqué à longueur de mois par des accapareurs sans vergogne du pouvoir qui n'ont fait qu'accumuler les échecs de tous ordres jusqu'à passer par profits et pertes la nécessaire obligation de résultats. Comme ceux d'assurer un minimum de sécurité, juguler les prix et maîtriser tant soit peu une inflation galopante, réduire la précarité et prendre des mesures au profit des régions défavorisées ou, encore, créer de l'emploi pour le plus grand nombre.

Honte aux responsables politicards ineptes et véreux qui, hypocritement, veulent, d'un côté, nous faire croire qu'ils sont à la recherche du consensus depuis sept mois et qui, d'un autre côté, prônent une loi liberticide afin d'exclure de la scène politique leurs adversaires du moment!

Honte à ce grand stratège politique qui, devant trois mille sympathisants enflammés de son parti, ose agiter la menace d'une guerre civile et opposer «la rue» des uns à «la rue» des autres !

Honte également à son confrère du même acabit, un agité du bocal passible de la camisole de force pour qui un gouvernement de technocrates est synonyme de chaos dans le pays!

Honte à ce ministre qui est censé connaître mieux que personne la voix et les voies du Seigneur, mais qui ne s'est nullement préoccupé de la mort d'un homme traîtreusement abattu. Il n'a pas manqué, cependant, de nous faire part de son mécontentement et de son amertume, lorsqu'il a constaté qu'une femme peut entrer vivante au cimetière pour assister à la mise en terre de l'homme de sa vie, pour reprendre ici la réponse cinglante que lui a opposée un vaillant responsable politique. Comme si le respect dû à la vie humaine était moins important, à ses yeux, que celui que l'on doit à d'injustes et caduques conventions qui refusent à la femme le droit d'accompagner son père, époux ou frère jusqu'à sa dernière demeure.

Basma Belaïd, notre Antigone nationale

Heureusement qu'il existe encore dans ce pays des personnes comme Basma Belaïd, notre Antigone nationale, qui, malgré son deuil, a la grandeur d'âme nécessaire pour aller consoler la veuve d'un policier tué dans l'exercice de ses fonctions. On pourrait dire d'elle ce que Rousseau dit de sa mère, à savoir une «âme sans fiel qui, précise l'auteur, ne pouvait imaginer un Dieu vindicatif et toujours courroucé et ne voyait que clémence et miséricorde où les dévots ne voient que justice et punition.»

Dans tout pays démocratique digne de ce nom et, surtout, où la classe politique respecte ses électeurs, les politiciens désavoués par leurs compatriotes ou qui sont taxés d'avoir échoué dans leur mission, cèdent leur place afin de préserver les intérêts supérieurs de leur patrie, d'abord, leur dignité, ensuite.

Honte donc à ceux des nôtres qui n'ont pas cette dignité élémentaire, obnubilés qu'ils sont par leurs intérêts égoïstes et mesquins !

Le peuple saura bien un jour les «Dégager» comme il a déjà à son actif d'avoir dégagé un vil potentat !

* Universitaire.