Pour le ministre du Culte, la femme est signe de souillure, d'immondice, d'infamie et d'impureté. Lui faire porter le niqab et la tenir loin des lieux sacrés serait donc une entreprise de salubrité publique. Vive l'hygiène islamiste!
Par Karim Ben Slimane*
Il y a un proverbe chinois qui dit: quand l'homme montre la lune, l'idiot regarde le doigt. Les Tunisiennes et les Tunisiens ont répondu en nombre à l'appel de la rue pour offrir au défunt Chokri Belaïd, assassiné lâchement pour ses idées, des funérailles dignes de son sacrifice et de son combat pour la liberté d'expression.
Les Tunisiens et la Tunisie sont redevables pour celui qui dans sa mort a fait taire les dissensions, gommé les différences et a uni les esprits et les cœurs. Jeunes et mûrs, pauvres et riches, hommes et femmes ont répondu à l'appel de la patrie, au cri assourdissant du cœur souffrant de ses camarades et de sa famille. Pour ceux-là la Patrie sera à jamais reconnaissante de l'avoir célébrée et honorée. Les funérailles offertes à Chokri Belaïd ont été un hymne à l'amour, à l'espoir et à la Patrie.
Mais qu'entendis-je? De loin, des tréfonds de la sottise humaine, une voix caverneuse vient rompre la paix de l'âme qui a uni les Tunisiens les réveillant de leur recueillement et les plongeant de nouveau dans la triste réalité qui est devenue la leur. Celui qui préside aux destinées du ministère des Affaires religieuses d'habitude aveugle aux incartades de ses maitres bienfaiteurs, obséquieux jusqu'à l'effacement devant leur mépris et arrogance et sourd devant les doléances des croyants martyrisés par les nouveaux prédicateurs a parlé. Monsieur le ministre sans ministère se plaint que des femmes aient assisté aux funérailles de Chokri Belaïd en l'occurrence sa veuve et sa fille ainsi que nombre de femmes tunisiennes libres. C'est contre le rite musulman des funérailles et une profanation de la sacralité des cimetières que des femmes assistent à l'ensevelissement du mort, renchérit-il.
Les funérailles de Chokri Belaid ont été marquées par une présence remarquable au cimetière d'Al Jallez des femmes venues pleurer la mort d un opposant pas comme les autres.
Mais monsieur le ministre sans ministère, il ne s'agissait pas de funérailles mais de noces d'un martyr pour qui la Tunisie sera à jamais redevable de l'avoir secoué à temps alors que vous cherchez à l'engourdir.
Sans doute que notre ministre préfère-t-il voir nos femmes devant le fourneau ou encore les jambes écartées devant leurs frères salafistes qui sous un air de flute les culbutent. Monsieur le ministre a donc raison la femme est signe de souillure, d'immondice, d'infamie et d'impureté. Lui faire porter le niqab et la tenir loin des lieux sacrés serait donc une entreprise de salubrité publique. Vive l'hygiène islamiste!
*Spectateur rigolard de la vie politique tunisienne.