Que reste-t-il à faire, pour ceux qui nous gouvernent, sinon tirer les conclusions de leurs échecs dans la dignité et pour le bien de la Tunisie, avant qu'il ne soit trop tard?
Par Salah Oueslati*
La révolution tunisienne a offert à la classe politique qui dirige le pays depuis les dernières élections l'occasion rêvée d'écrire les plus belles pages de l'Histoire de son peuple. Elle leur donné une chance unique pour y rentrer par la grande porte et d'être célébrée par les générations futures comme les Pères fondateurs d'une nouvelle phase qui propulserait la Tunisie dans le concert des nations ouvertes, démocratiques et développées. Une phase pleine de promesses et d'espoirs, mais qui exige une intégrité sans faille, un engagement désintéressé, une culture de compromis, le don de soi, un regard visionnaire, et, pour ceux qui sont au sommet de la hiérarchie (le président provisoire de la république, le président de l'Assemblée constituante et le chef du gouvernement provisoire), une carrure d'homme d'Etat.
Une tragi-comédie digne d'une république bananière
Force est de constater que ceux qui nous gouvernent n'ont pas pris la juste mesure de l'évènement que la Tunisie a vécu et continue de vivre. Ils n'ont pas pris la juste mesure de la responsabilité historique qui pèse sur leurs épaules, une responsabilité non seulement devant le peuple tunisien, mais aussi devant les peuples arabes et devant l'Histoire.
D'aucuns font preuve d'un esprit étroit et partisan, d'un égoïsme consternant et d'une petitesse affligeante. Chacun défend son petit pré-carré de pouvoir et ses petits privilèges à court terme aux détriments des intérêts supérieurs du pays à long terme.
L'égoïsme et le narcissisme de certains le disputent à la médiocrité, voire à la bassesse des autres. L'égo surdimensionné de certains n'a d'égal que l'hyper arrogance des autres. Ces mesdames et messieurs ne se rendent même pas compte qu'ils sont déjà dans l'Histoire rien que parce qu'ils font partie de la première classe politique qui a pris le pouvoir par les urnes après de longues décennies de dictature. Ils ne sont pas conscients que le destin et l'avenir de tout un peuple sont entre leurs mains.
Depuis les élections d'octobre 2011, les Tunisiens sont les témoins d'un spectacle affligeant, consternant et guignolesque. Ils sont les spectateurs malgré eux d'une tragi-comédie digne d'une république bananière. Un président de la république qui n'a jamais réussi à endosser le costume de la fonction et n'a jamais été à la hauteur de sa responsabilité. Un président de l'Assemblée constituante qui a fait preuve d'un autisme et d'un aveuglement inquiétants, doublés d'une étroitesse d'esprit et d'un opportunisme sans scrupule. Un gouvernement et son chef qui ont échoué à tous les niveaux et dont les membres n'excellent que dans l'art de s'accrocher à leur poste. Des responsables de partis politiques experts dans l'art de la manipulation, de la propagande et du double langage et qui tirent les ficelles pour imposer au pays un régime d'un autre âge, contraire à son histoire et à ses traditions et honnis par l'écrasante majorité de la population.
Divisions, petits calculs politiciens et manœuvres dilatoires
Mesdames et messieurs de la classe «régnante», si la politique est l'art du compromis, vous n'avez jamais réussi à dépasser vos divisions et vos petits calculs politiciens pour se mettre d'accord sur une position consensuelle afin de sortir le pays du gouffre abyssal dans lequel il risque de sombrer. Vous avez joué la montre par des manœuvres dilatoires afin de noyauter tous les centres du pouvoir, mais le temps s'est retourné contre vous et a révélé au grand jour votre incompétence, votre incurie et votre incapacité à diriger le pays.
Messieurs et mesdames de la classe politique, le peuple vous a donné plus qu'une chance, mais vous avez échoué lamentablement. Le peuple vous a fait confiance, mais vous avez largement épuisé ce capital. Le peuple vous a accordé le bénéfice du doute, mais vous n'avez pas prouvé qu'il fût à votre avantage. Les élections vous ont donné une légitimité jusqu'au 23 octobre 2012 pour rédiger une constitution et organiser des élections, sauf que cette légitimité que vous mettez en avant à chacune de vos déclarations n'est plus à l'ordre du jour et le contrat entre vous et le peuple est largement rompu.
Que vous reste t-il donc à faire sinon de tirer les conclusions de vos échecs dans la dignité et pour le bien de votre propre patrie. La tragi-comédie n'a que trop duré.
Les responsables politiques de l'opposition ne sont pas exempts de toute reproche non plus, une question qui sera traitée dans le cadre d'un prochain article.
* Universitaire.