Le parti islamiste au pouvoir serait-il en train de rapetisser le peuple, qui a défié la tyrannie, comme il le fait si bien avec les différents partis d'une opposition molle et éparpillée?
Par Dr Moez Ben Khemis*
Voilà trois semaines que maître Chokri Belaid fût lâchement assassiné. Voilà trois semaines que la Tunisie fût plongée dans un marasme politique alimenté narquoisement par le mouvement Ennahdha.
Après des obsèques nationales dignes de ce nom, où plus d'un million de personnes ont tenu à rendre un dernier hommage au nouveau martyr de notre Tunisie, à exprimer leur solidarité avec sa famille et à partager l'horrible peine de ses compagnons de combat, les regards accusateurs se sont tous tournés vers un mouvement extrémiste avec à sa tête un certain Rached Gannouchi.
Ce mouvement n'ayant jamais pris part à la révolution de la dignité du 17 décembre 2010 – et nous ne rappellerons jamais assez cette réalité historique – mais qui a malgré tout raflé la mise quelques mois plus tard à la surprise ou à la déception d'un peuple tunisien assoiffé de liberté et de modernité.
Trois semaines après l'assassinat politique de Chokri Belaid, le Conseil de la Choura d'Ennahdha et son chef Rached Ghannouchi, récemment qualifié de «terroriste» lors d'un reportage sur France-télévision, balayent d'un revers de main les revendications du peuple de former un gouvernement de compétences nationales et place sur orbite son ministre de l'Intérieur – violemment critiqué pour les couacs du 9 avril, des événements de l'ambassade des USA et des émeutes de Siliana, puis récemment accusé dans l'affaire Belaid – et le charge de former un nouveau gouvernement. Claque magistrale.
Ennahdha serait-il en train de mésestimer et de mépriser le peuple tunisien?
Ennahdha serait-il en train de nous prendre pour des pantins comme il le fait si bien avec les docteurs Mustapha Ben Jaâfar et Moncef Marzouki, présidents respectivement de l'Assemblée nationale constituante (Anc) et de la république?
Il n'y a qu'à voir les images télévisées de ce dernier approuver la nomination d'Ali Lârayedh et le charger officiellement sa mission avec son rictus insipide pour tout comprendre.
Ennahdha serait-il en train de rapetisser le peuple, qui a défié la tyrannie, comme il le fait si bien avec les différents partis d'une opposition molle et éparpillée?
Sommes-nous vraiment victime de la schizophrénie pernicieuse d'Ennahdha et des folles idées de «suzeraineté» des ses dirigeants?
Ennahdha a tout simplement la mémoire courte. Ce qui le perdra...
* Anesthésiste réanimateur, Paris.