Il n'y a pas d'erreur dans le titre : il s'agit bien, dans cet article, du «gouvernement Bhiri», car celui de Lârayedh est une simple illusion d'optique. Plusieurs indices le confirment.
Par Chadlia Ben Salem
En effet, Noureddine Bhiri (classé parmi les ultras conservateurs d'Ennahdha), contrairement à ses deux collègues Ridha Saidi et Abderrahmen Ladgham, nommés, respectivement, ministre chargé des Affaires économiques et ministre chargé de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, a été nommé à dessein ministre sans portefeuille puisqu'il est ministre auprès du chef du gouvernement tout court.
Lârayedh «se vend» beaucoup mieux
De facto, cette situation fait de lui – au moins – le n°2 du gouvernement et lui permet d'être l'interface agréée de tous les ministères en plus des partis – à commencer par les partis de la «troïka» et les diverses organisations, notamment l'Ugtt...
Autre preuve étayant le rôle crucial, discret et non déclaré confié par le parti Ennahdha à M. B'hiri : son omniprésence tout au long du processus de négociation qui a débouché sur l'annonce de l'actuel gouvernement présidé officiellement (ou en apparence) par M. Lârayedh.
D'ailleurs, de nombreuses sources affirment que M. Bhiri a été l'élu légitime du Conseil de la choura pour le poste de chef du gouvernement. Toutefois, son caractère cassant, son arrogance, son intransigeance et son rejet aussi bien par les juges que par les avocats ont dû dissuader ledit Conseil de le confirmer dans le poste suprême.
A cet effet, on s'accorde à dire que M. Lârayedh – jugé comme étant modéré – «se vend» beaucoup mieux que M. Bhiri car il communique mieux nonobstant les erreurs monumentales qui ont ternis - à son insu – sa réputation durant son passage à la tête du ministère de l'Intérieur.
L'amalgame entre l'Etat et le parti au pouvoir
D'ailleurs, ces erreurs liées aux événements de l'ambassade des Etats-Unis ou à l'agression contre le siège de l'Ugtt... ne sont pas perçues de la même manière selon que l'on se place du côté du commun des Tunisiens ou du côté des partisans d'Ennahdha, et c'est précisément ce qui fait le plus peur: l'amalgame entre l'Etat et le parti au pouvoir. Le chef du gouvernement de droit – M. Lârayedh – ne risque t-il pas de céder sa place – malgré lui – à un chef de gouvernement de fait – M. B'hiri – et finira donc par payer les erreurs de sa doublure.
En résumé, avec Hamadi Jebali, on s'est vite rendu compte que le chef de gouvernement, pourtant secrétaire général d'Ennahdha, ne gouvernait point et qu'il n'a aucune autorité sur ses ministres et conseillers, quels que soient leurs appartenances.
Hélas, un gouvernement bicéphale est en train de se remettre en place et la situation est en passe d'empirer car la «troïka» s'affaiblit implacablement et risque de jouer au mauvais perdant. Un coup de feu est si vite parti, qu'un second fusible – M. Lârayedh – sautera et un nouveau gouvernement transitoire – version technocrate – se chargera de nous consoler. J'espère hardiment me tromper!