immole par le feu à TunisLa jeunes tunisiens ont le choix entre grossir les rangs de la milice nahdhaouie, échouer en mer au large de Lampedusa, servir de chair à canon en Syrie ou alors se suicider tout bonnement.

Par Fethi Gharbi

 

Un jeune homme s'est immolé par le feu il y a quelques jours en plein centre de Tunis, en face du théâtre municipal... Il a peut-être voulu s'essayer dans le seul rôle que nous lui avons permis de jouer, celui de son échec cinglant face à la monstruosité implacable du destin.

Faisant fi de la règle de bienséance, il s'est transformé, sans crier gare, en torche vivante devant des centaines de spectateurs ahuris. Dernière scène du dernier acte d'une tragédie, de l'une des tragédies de la vie qui se succèdent et se multiplient depuis deux ans dans cette Tunisie post-révoltée.

Jeune homme immolé par le feu à Tunis 2

Adel Khazri met fin à ses jours par désespoir et pour dénoncer l'injustice.

Des suicides «à la pelle»

Adel Khazri, un jeune de 27 ans, originaire de Jendouba, vendeur de cigarettes à la sauvette; une mère et deux jeunes frères à charge; malade, ne pouvant se soigner sans carte de sécurité sociale, voilà qu'il se fait saisir sa camelote... jeté pendant quelques jours en taule; il en sort courant tout droit vers l'inéluctable...

Khazri, n'a pas la «chance» de Bouazizi: il a mal choisi le moment d'entrer dans l'histoire par la grande porte... Lui et les deux cents autres suicidés qu'a enregistrés la Tunisie depuis plus d'une année seront vite oubliés et relégués dans la rubrique des chiens écrasés.

La mort de Adel Khazri coïncide cependant avec l'investiture du nouveau-ancien gouvernement. Trois autres suicides ont eu lieu le même jour sans pour autant émouvoir outre mesure ces «professionnels» de la politique.

Plus de 700.000 chômeurs sur une population totale de 10 millions d'habitants désespèrent. La politique ultralibérale appliquée par le gouvernement Caïd Essebsi puis par celui d'Ennahdha ont complètement réduit à la misère la classe pauvre et la classe moyenne. Les injonctions du FMI qui s'annoncent risquent de déstabiliser totalement le pays.

Adel Khazri immolé par le feu à Tunis

Une image atroce qui dénonce l'incompétence du gouvernement et des professionnels de la politique. 

Les manœuvres de diversion d'Ennahdha

Au même moment, Ennahdha ne tarit pas d'effort pour amuser la galerie: une fois c'est un cheikh koweïtien qui vient nous expliquer pourquoi il faut voiler les filles dès l'âge de quatre ans; une autre c'est un député d'Ennahdha, Habib Ellouze qui nous parle de l'aspect esthétique de l'excision... et ainsi de suite... toutes les semaines, une nouvelle invention. Ces clowneries ne sont en fait que des manœuvres de diversion pour camoufler ce qui se trame en coulisse que ce soit du point de vue économique ou géostratégique.

En attendant, toute cette jeunesse à la dérive a le choix entre grossir les rangs de la milice nahdhaouie, se jeter à la mer pour engraisser les poissons au large de Lampedusa, servir de chair à canon en se laissant enrôler par les recruteurs de l'Armée syrienne libre (ASL) ou alors, pour faire plus court, se suicider tout bonnement.