Les Tunisiens aiment-ils la liberté? La réponse est peut-être dans les derniers événements que nous venons de vivre. Plus précisément, dans l'affaire de l'avocat Mounir Baâtour, arrêté dans son lit et inculpé pour sodomie, qu'il faudra chercher la réponse.
Par Karim Ben Slimane*
Il existe deux conceptions philosophiques de la liberté. Une conception anglo-saxonne qui célèbre la liberté de faire et d'agir et une conception plutôt française dans laquelle la liberté est synonyme d'émancipation et d'affranchissement de l'individu.
Certains ont donc mis la liberté au service de l'esprit d'entreprendre, d'autres ont travaillé à émanciper l'individu de la tutelle de l'église et de la société pour l'épanouir et en faire le Dieu de lui-même. Dans notre société on peine à nous situer, du moins philosophiquement, par rapport à la liberté d'où ce sentiment de confusion avec lequel on vit.
Mounir Baâtour a été arrêté dans le baisodrome qu'est devenu l'hôtel Sheraton de Tunis, en flagrant délit, parait-il, de sodomie et dans l'indifférence générale. Les politiques et les médias ont mieux à faire que de défendre le cas d'un sodomite vous me diriez, il y a tellement d'autres soucis en Tunisie. Mais ce n'est pas une question de priorité et d'urgence dont il s'agit ici, c'est une question philosophique de conception de la liberté individuelle.
La sodomie est un péché dans l'islam, le pire selon certains exégètes zélés, celui qui secoue ciels et terres. C'est aussi un péché social et une atteinte à la virilité phallique de l'homme oriental.
Donc M. Baâtour serait coupable devant Dieu et devant la société mais devrait-il être coupable devant la loi en raison des convictions personnelles des uns et des autres. Pourquoi tant de timidité dans la défense de M. Baâtour, pourquoi ce silence coupable?
La réponse tiendrait en quelques mots, nous n'aimons pas liberté quand elle nous dérange, autant dire que nous n'aimons pas liberté tout court.
Pourquoi devrait-on être libres en Tunisie? C'est la question à laquelle nous devons tous réfléchir si on veut construire de solides remparts contre l'obscurantisme qui nous guette. Si nous sommes dépossédés de notre corps au nom de Dieu et de la société nous n'aurions que peu d'armes pour défendre notre liberté d'esprit car les barbares sont déjà là, ils piaffent d'impatience d'envahir nos demeures et nos lits.
*Spectateur rigolard de la vie politique en Tunisie.