Suite à une «fatwa» du Conseil des oulémas du Maroc, criminalisant la liberté de conscience, et rendant l'apostasie passible de la peine de mort, un appel a été lancé pour alerter l'opinion publique sur le danger d'une telle dérive*.
Le Conseil des oulémas du Maroc, institution officielle qui est sous la présidence du Roi du Maroc, a édicté un avis religieux, qui stipule que «tout Marocain coupable d'apostat envers l'islam mérite la mort»1. Ceci s'appliquerait à tout citoyen marocain né de père musulman et qui décide de suivre une autre voie religieuse ou philosophique.
Par cette affirmation est tout d'abord nié un point central de la Déclaration universelle des droits de l'Homme: la liberté de conscience, par laquelle «toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites.»2. Elle est également en contradiction avec certains points de la constitution marocaine (droit à la vie, la liberté du culte, la liberté de pensée) et aux engagements internationaux du Maroc concernant les droits de l'homme. Enfin, ce sont aussi les longues luttes du peuple marocain pour acquérir les libertés démocratiques qui se voient bafouées.
Le Makhzen marocain, qui se targue via ses propres canaux de propagande et par le biais de la presse officielle, d'avoir fait «le choix d'un islam serein, équilibré et pondéré», cache derrière ce discours une réalité bien sombre. Au lieu d'œuvrer au développement d'une pensée islamique ouverte sur notre temps et tenant compte des évolutions des sociétés, il distille sous couvert de sauvegarder l'«identité marocaine», une idéologie des plus conservatrices, fermée à la modernité à travers une instance rétrograde avec rang d'institution constitutionnelle.
Cette lecture religieuse est dénoncée avec vigueur par les associations de la société civile marocaine et les défenseurs des droits humains, qui y voient la preuve du caractère rétrograde et moyenâgeux de ces organismes qui l'ont émise ou qui la soutiennent. Les forces salafistes ont d'ailleurs applaudi en y reconnaissant un de leurs objectifs.
Par ailleurs, nous prenons acte de la déclaration du délégué interministériel aux droits humains (Ddidh) estimant que son administration n'est pas concernée et obligée par la fatwa-avis du Conseil des oulémas. Nous attendons que le Conseil national des droits humains (Cndh) prenne ses responsabilités et affirme clairement son attachement aux valeurs universelles des droits de l'Homme, en particulier le droit à la liberté de conscience des citoyens marocains.
Nous, citoyens d'origine marocaine et/ou maghrébine et/ou du monde qui luttons pour revendiquer le respect des musulmans résidant dans les pays où ils forment une minorité, exigence qui découle de la liberté de conscience, nous ne pouvons nous taire à propos des pratiques liberticides, non seulement au Maroc mais dans l'ensemble des pays du Maghreb. Nous qui combattons, de longue date, les exactions à l'encontre des opposants politiques, nous devons aussi briser cette chape de plomb qui étouffe tout ce qui touche à la liberté de conscience.
Nos réclamons donc la séparation du religieux et de l'État. Cette revendication est la seule garantie que les citoyens puissent jouir de la liberté de pensée et de conscience et elle est une des conditions nécessaires à la construction d'une véritable démocratie.
Notes :
1- Page 290-291 du livre «Les fatwas de l'organe scientifique chargé de fatwas 2004 -2010», 2004-2012.
2- Article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme du 10 décembre 1948.
* Le texte de cet appel peut être signé par mail envoyé à Abdallah Zniber (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.) ou Driss Elkorchi (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.) aussi bien par des associations qu'à titre individuel. Les signataires doivent communiquer leur signature par retour de mail en précisant, pour les associations, l'appellation, le sigle et le pays, et pour les individus, le nom, prénom, qualité et pays.