Le Tunisien se retrouve aujourd'hui à pratiquer un sport qui lui était jusque là inconnu : la politique. En effet, tout le monde parle, à chaque coin de rue, de constitution, de légitimité et, parfois, allez soyons fous, de démocratie!
Par Talel Kamel
Si on revient un peu en arrière, le sujet qui a su drainer autant de foule, et ce jusqu'en décembre 2010, était le football. On se rappelle des discussions houleuses sur tous les plateaux télévisés, au rythme de clashs entre dirigeants, supporters, agents, entraineurs, le tout orchestré par des journalistes «sportifs» dont les qualités oscillaient autant que le thermomètre ces derniers jours.
L'engouement était tel que même nos mères et sœurs sont devenues «footballeuses» – elles, qui avaient l'habitude de nous en vouloir de regarder 22 bonhommes à la poursuite d'un ballon rond – et émettent des avis, d'ailleurs la plupart du temps adéquats, sur la formation d'une telle équipe ou la nouvelle recrue d'une autre.
Depuis, le Tunisien est passé d'une liberté presque absolue de parler de tout en ce qui concerne le football à la liberté absolue de parler de tout... tout et, surtout, de n'importe quoi. Là, il a fallu s'adapter vite comme par panique pour ne pas se retrouver dépassé par les événements. Le réflexe primal est de revenir à ce qu'on maitrise le mieux et de réfléchir par similitude!
Attention, je ne dis pas que le football est facile à analyser et que le fait d'appliquer les règles d'analyse footballistique à la politique est réducteur de ce sport ou de la politique, aucunement! Je pense, au contraire, que l'analyse footballistique n'est pas donnée à tout le monde et qu'il faut, au contraire, s'y connaitre assez amplement pour clamer en être un connaisseur mais comme on dit en foot «un attaquant est fait pour attaquer, un défenseur est fait pour défendre».
Ce principe générique s'applique aussi à la situation actuelle! Laissons ceux qui sont aptes à pratiquer ou plutôt appliquer la politique faire leur travail sans pour autant abandonner notre droit de citoyenneté participative et évitons le tohu-bohu. Par ce temps de crise de confiance, de devises, de sécurité..., nous nous devons de nous concentrer sur l'essentiel. On pourra parler du reste en temps opportun. Malheureusement, le niveau des analyses politiques et la qualité des discours qu'on a parfois à entendre sont désolants, et ce au-delà des orientations politiques des interlocuteurs.
Qu'est-que la politique?
Les définitions de la politique sont variées et nombreuses, celle que je préfère est celle qui énonce qu'elle est «l'art de rendre possible ce qui est nécessaire».
Qu'est-ce qui est nécessaire aujourd'hui en Tunisie? A mon avis, ce sont le pouvoir d'achat, l'emploi et la sécurité. En gros, la Tunisie n'a pas besoin d'une refonte politique pour devenir le Singapour de l'Afrique du Nord, nous avons besoin d'ajustements ponctuels et réfléchis, que je résume ici par souci de simplicité à ces trois créneaux :
- un climat économique qui aide à l'investissement étranger et à l'entreprenariat;
- une éducation qui soit en adéquation avec le marché de l'emploi;
- une main forte sur les dérives sécuritaires et un juste milieu entre l'état policier et le laisser-aller.
Mais surtout et plus essentiellement, nous avons besoin d'une grande dose de tolérance! L'écrivain Antoine de Saint-Exupéry disait : «Celui qui diffère de moi, loin de me léser, m'enrichit» (ceux qui ont passé l'épreuve de français du baccalauréat tunisien 1999 s'en rappelleront !). Nous-nous devons d'accepter nos différences et d'en faire une richesse au lieu d'en faire un handicap.
Aujourd'hui, nous sommes à un point d'inflexion de notre histoire, que nos dirigeants politiques, de tout horizon, se doivent de savoir négocier sinon ça sera la dérive vers les oubliettes. Tant pis, la Tunisie va perdre du temps, un temps précieux certes, mais rassurez-vous, elle ne va pas succomber à la décadence. La Tunisie n'est pas née de la dernière pluie, elle saura sortir victorieuse de cette «révolution». Ce bout de terre, ces femmes et ces hommes vont triompher des petits jeux politiques, de calculs «court-termistes».
L'histoire des grands pays s'écrit avec la plume de la souffrance dont l'encre n'est autre que la sueur de celles et ceux qui œuvrent dans l'ombre pour que demain soit un jour meilleur.