Qui d'autre que Ben Ali pourra redorer l'image de la Tunisie, sauver la saison touristique, garantir l'approvisionnement en lait, réduire le prix des boissons alcoolisées et permettre des partouzes géantes alors que la flicaille surveille les mosquées?
Par Karim Ben Slimane*
Certains d'entre vous le pensent-il vraiment ou parfois après avoir eu les nouvelles du front à Jebel Châmbi ou dans les quartiers déshérités de Tunis, ne se disent-ils pas on était quand même mieux sous Ben Ali?
Car oui il ne faut pas s'en cacher la sainte révolution a fait des gagnants et des perdants. Si vous rêviez à un califat en Tunisie, si les dimanches matin vous espériez vous délecter d'une scène de lapidation sur la place publique, un genre nouveau de ''street art'', et si les femmes en niqab vous font fantasmer..., alors félicitations, vous êtes parmi les heureux gagnants de la révolution.
En revanche, si vous vous la couliez douce auparavant, si vous étiez bon vivant même si endetté, si vous n'aviez rien à cirer de la liberté d'expression pourvu qu'on vous fiche la paix, et surtout si vous attendiez l'annonce de l'aïd par le mufti pour vous offrir une belle cuite à la Celtia, alors vous êtes l'un des perdants de la révolution.
Alors les gagnants de la révolution sont contents et remercient le pouvoir islamiste en place qui va transformer la Tunisie en terre de jihad. Ils pourront donc se gargariser de liberté d'expression, de liberté, de dignité humaine et profiter des «mlawis» fourrées aux sardines à chaque coin de rue.
Trêve de sarcasme et de mauvaise foi, s'il y a un truc que la révolution a réussi à garantir c'est bien la liberté d'expression, et je suis sérieux. Avant tu avais faim, tu étais au chômage, ainsi que tes frères et sœurs; tu demandais quoi que ce soit, on te foutait en prison. Aujourd'hui, tu continues à avoir faim, tu es encore au chômage, tes frères et sœurs d'ailleurs aussi, mais tu peux le dire haut et fort et même faire un sit-in ou adhérer au parti communiste. Vous voyez qu'avec la liberté d'expression ça change tout.
Admettons donc que ceux qui étaient pauvres et miséreux le sont toujours et que rien dans leur existence n'a vraiment changé, à part que maintenant on les voit à la télé. Reste donc la question de ceux à qui Ben Ali n'a jamais causé le moindre souci, car eux ils sont intelligents et ont compris que la liberté d'expression ne vaut pas mieux qu'une vie de plaisirs oublieux et de péchés. Ces derniers sont en droit de rêver au retour du Général.
Oui, car qui d'autre que le Général pourrait faire taire d'un tour de main ces hordes salafistes hirsutes grisées par la haine et assoiffées de violence? Qui d'autre que notre Général bien aimé est en mesure de redorer l'image de notre pays en Europe, de sauver la saison touristique et de redonner le sourire aux gigolos de Sousse désormais oisifs? Qui d'autre que le Général Ben Ali pourrait baisser le prix des pommes de terre et garantir l'approvisionnement en lait? Enfin, sous Ben Ali, on baissera le prix de la Celtia et on fera des partouzes géantes alors que la flicaille surveille les mosquées. On ne verra plus que des belles gueules à la télé, des décolletés plongeants plutôt que des fichus hideux sur les têtes des femmes; on ne verra que la propreté dans les rues et on cachera la crasse, on rayera les quartiers miséreux de la carte.
Ainsi on retrouvera notre belle Tunisie qui nous manque tant. Alors, que Ben Ali revienne. Au diable la liberté d'expression.
*Spectateur Rigolard de la vie politique tunisienne.