Alors que la Tunisie va à vau-l'eau, et que ses dirigeants politiques rivalisent d'ingéniosité pour lui faire dévaler la pente encore plus vite, quelques honnêtes hommes se prédestinent déjà à le diriger. Et ils le crient tous sur toit...
Par Karim Ben Slimane*
Faites vos jeux, choisissez votre cheval avant qu'il ne soit trop tard. La course de la présidentielle en Tunisie a déjà commencé avant même qu'on ait une constitution ni qu'on soit fixé sur la nature du régime.
Après l'inénarrable Béji Caïd Essebsi, 86 ans et toutes ses dents, d'autres aspirants à la magistrature suprême se font connaître tous les jours. En la matière, chacun procède à sa façon. Et voilà donc que Mohammed Hamdi et Mahmoud Baroudi, pourtant encartés dans le même mouvement de l'Alliance démocratique, qui annoncent leurs candidatures respectives dans la foulée. M. Baroudi s'est rendu célèbre par ses saillies et ses traits d'esprit très caustiques. Rappelons-nous sa fameuse tirade sur la «République Bananière» asséné à la troïka. M. Baroudi est aussi un baroudeur politique. Il a quitté le Congrès pour la République (CpR) pour rejoindre le feu Parti démocratique progressiste (PDP) qu'il a quitté de nouveau pour former l'Alliance démocratique. On peut dire déjà que malgré sa jeunesse dans la vie politique il en connaît un pan surtout dans l'art de retourner sa veste.
Dans un style différent, Néjib Chebbi envoie ses panégyriques dans les médias pour le supplier de se présenter dans une mise en scène détestable qui n'est pas sans nous rappeler les procédés du Général Ben Ali. Ainsi le très sûr de lui Yassine Brahim n'a pas tari d'éloges son poulain Chebbi louant ses talents d'homme d'Etat intègre et capable de présider aux destinées de cette pauvre Tunisie comparée à une femme mal-baisée à la recherche d'un étalon pur-sang et fougueux.
Maya Jeribi a aussi vite donné la réplique à son assesseur, Yassine Brahim, avec un message laudatif et des suppliques fleuries adressés à Néjib Chebbi, son compagnon de combat, qui a fait d'elle sa dauphine. Et voilà le présidentiable du parti Al-Jomhouri qui hésite et qui se tâte mais qui prend surtout la mesure de la responsabilité qui lui incombe et finit par céder aux foules qui l'acclament.
Plus subtiles à saisir et à décrypter ont été les manœuvres du locataire de Carthage Moncef Marzouki. Raillé et moqué par le peuple, M. Marzouki ne pouvant plus s'appuyer sur son parti CpR, désormais devenu une coquille vide, rejoue la même partition des dernières élections en s'accoquinant et courbant l'échine à Ennahdha. Sa sortie sur le port du niqab à l'université n'était rien d'autre qu'un nouveau vœu d'allégeance à ses maîtres islamistes.
La palme d'or de ce jeu de dupes revient comme toujours à Hamadi Jebali qui cultive depuis l'affaire Chokri Belaïd son statut d'ovni de la vie politique tunisienne en étant à la tête d'un parti qu'il veut sciemment et insidieusement affaiblir. M. Jebali vient de confier à la chaîne Al-Arabia qu'il songe à se présenter aux élections présidentielles mais en candidat indépendant. Une déclaration étrange de celui qui est encore le secrétaire général du parti le plus fort en Tunisie.
Voilà, c'est tout pour l'instant, vous pourrez choisir dès à présent votre cheval, jouer le trio gagnant dans l'ordre ou dans le désordre sinon vous pouvez toujours attendre que le bal des faux-culs se termine.
*Spectateur rigolard de la vie politique tunisienne.