L'examen clinique de pédiatrie à la Faculté de médecine de Sousse est devenu la bête noire des centaines de jeunes médecins dont il freine la carrière, sans raison et, surtout, de manière brutale.
Par Dr Moez Ben Khemis*
Le 27 mars dernier les étudiants et autres candidats de la Faculté de médecine de Sousse ont passé la deuxième session de l'examen clinique de pédiatrie pour l'année universitaire 2012 2013.
Un examen «bête noire»
En médecine, les examens cliniques sont au nombre de quatre et concernent les différentes spécialités: épreuve médicale, épreuve chirurgicale, épreuve de gynéco-obstétrique et enfin épreuve de pédiatrie. Chaque étudiant doit donc les valider au bout des 5 ans d'études et 2 ans d'internat.
Ces examens cliniques, bien que nécessaires, restent tout de même une simple formalité. En effet, avant de passer ces examens cliniques, chaque candidat obtient la validation de ses 6 stages d'internat. Cette validation est la vraie évaluation de l'étudiant et relègue donc les examens cliniques au rang de simples «maux nécessaires» pour pouvoir boucler les études de médecine générale.
Cependant, au sein de la Faculté de médecine de Sousse, l'examen clinique de pédiatrie demeure un terrible arcane. Cet examen «bête noire» de tous les candidats a viré de son objectif principal et est sorti de toute logique. Il n'y a qu'à poser la question aux étudiants de la faculté pour comprendre l'impact désastreux de cet examen sur leur cursus. Moi-même l'ayant passé depuis quelques années je suis à court de mots pour le décrire.
Rien que pour la deuxième session de l'année 2013, pas moins de 150 candidats se sont inscrits. Quand on compte en moyenne 250 étudiants par promotion d'internat et quand on sait qu'il y a 3 sessions par année pour cet examen, on peut rapidement, en faisant le calcul, comprendre qu'il y a quelque chose qui cloche. Comment ces candidats n'arrivent-ils pas à franchir cet obstacle futile alors qu'ils ont réussi remarquablement durant leurs 5 années d'études; qu'ils ont eu avec brio leur validation des six stages d'internat – dont celui de pédiatrie –, et qu'ils sont reçus dans les 3 autres examens cliniques!!!
La réponse est élémentaire et limpide: elle se résume en la personne du chef de service de néonatalogie et responsable de cet examen depuis des années. Personnage bien connu de la Faculté de médecine de Sousse, terrible bourreau des internes et piètre pédagogue, ce dernier est jusqu'à ce jour le premier responsable de cet examen. Il a pris la direction du service de néonatalogie de Farhat Hached de Sousse sous le régime de Ben Ali (honni soit qui mal y pense), après le départ de feu nôtre maitre professeur Senoussi. On ne peut pas dire que, depuis sa promotion, la faculté de Sousse, qui était une prestigieuse institution, a beaucoup gagné en prestige !!
Le président provisoire Moncef Marzouki en visite à la faculté de médecine de Sousse, où il avait enseigné dans les années 1980-1990, le 3 mars 2012.
A bas la dictature et à bas la corruption!
Depuis le départ de Ben Ali, cet impotent professeur est devenu un des chefs les plus contestés de l'hôpital. En perpétuel conflit avec ses subordonnés, il a vu une éminente professeure agrégée démissionner de son service après avoir mené un combat acharné contre lui. Il a vu aussi ses internes et certains de ses résidents se révolter et se mettre en grève durant quelques jours pour dénoncer la façon dont il les traite. Sans parler de ses écarts de langage. Le slogan «Dégage» semble taillé sur mesure pour lui et a été scandé à son encontre une multitude de fois. Des réclamations multiples et récurrentes le concernant ont été portées au doyen de la faculté: elles jonchent certainement son bureau sans suite. Aussi des plaintes portées contre lui et ses agissements subreptices et dolosifs ont été déposées par des étudiants au rectorat de Sousse ainsi qu'aux ministères de la Santé et de l'Enseignement supérieur.
Hélas, notre professeur continue de régner sur son service et influencer l'administration de la faculté. C'est ainsi que le doyen et le conseil d'administration de la faculté continuent d'ignorer les revendications des étudiants et ferment l'œil sur ce scandale.
M. professeur est toujours le responsable de l'examen clinique de pédiatrie. Il continue de recaler plus de la moitié des candidats à chaque session. Certains candidats passent l'examen pour la 11e voire la 12e fois sans succès et ce n'est pas faute de bonne volonté ni de bonne révision. Pire qu'un examen de fin de spécialité, l'examen clinique de pédiatrie – qui, rappelons-le, est destiné à évaluer des médecins généralistes – est devenu la «bête d'aversion» des étudiants. Questions et cas cliniques non adaptés aux connaissances des internes en médecine générale et barème surréaliste viennent satisfaire l'instinct destructeur du professeur. Il s'est même arrangé pour dominer l'examen à lui seul et écarter les autres pédiatres des hôpitaux de Sahloul et de Farhat Hached. L'examen clinique de pédiatrie s'est transformé en examen super-spécialisé de néonatalogie. Au grand dam des candidats.
Evidement, les pauvres étudiants ne peuvent rien faire à part prendre leur mal en patience et espérer un miracle lors d'une prochaine session.
Au nom de ces étudiants je m'indigne.
Au nom de ces étudiants qui voient leurs carrières stoppées durant des années à cause d'un examen clinique «bidon» et qui ne peuvent soutenir leurs thèses pour avoir enfin leur diplôme, je crie haut et fort à bas cette médiocrité et cet acharnement.
Au nom de leurs parents qui souffrent en silence, je demande aux autorités concernées d'ouvrir une enquête à propos de ce qui se passe dans les coulisses de la Faculté de médecine de Sousse et des personnes nuisibles qui la hantent. Je demande aux deux ministères de tutelle d'agir rapidement et de corriger cet affreux préjudice que subissent illégalement nos jeunes médecins.
* Anesthésiste réanimateur, Paris.