En Tunisie, les gouvernements changent, les politiques perdurent. C'est le constat qui émerge de la gestion publique avant et après «la révolution» si révolution il y a. Des faits et indices montrent la gabegie qui distingue l'actuelle direction politique.
Par Adel Ben Hammouda*
Notre ministre du Tourisme vient d'annoncer on ne peut plus fièrement qu'il table sur la venue de 7 millions de touristes pour 3,5 millions de dinars de recettes soit moins de 300 euros par entrée ! Alors que le Maroc réalise 4 fois mieux que nous avec presque le même nombre de touristes, monsieur le ministre peut-il nous dire si avec des recettes aussi maigres la Tunisie serait en mesure de dégager un quelconque bénéfice.
Marzouki boude le cinquantenaire de l'Union africaine
Pire encore, notre caisse de compensation, de plus en plus déficitaire, n'est-elle pas en train de subventionner un tourisme destiné aux indigents de l'Europe de l'Est, tout en accusant la classe moyenne de profiter des largesses de la caisse.
Après avoir sillonné le monde en longueur et en largeur – allant jusqu'au Pérou ! – et dépensé des millions de dinars, voilà que, brusquement, notre président provisoire de la république boude le sommet africain à Addis-Abeba sous prétexte d'économie en difficulté et de situation sécuritaire précaire (sic !). Arguments on ne peut plus fallacieux et qui feraient rire s'ils ne révélaient pas une grave réalité : l'indigence intellectuelle et l'incompétence politique de ceux qui nous gouvernent.
A l'occasion de la cinquantenaire de l'Union africaine, les grands du monde entier se sont rendus à Addis-Abeba: le secrétaire général des Nations unies, les présidents de la France, du Brésil, d'Egypte... le secrétaire d'Etat américain, le n°2 chinois... Bref, s'il y a un rendez-vous à ne pas manquer par messieurs Lârayedh et Marzouki, c'est bien celui là. Honte à vous deux messieurs.
Argent sale et famille mafieuse?
L'affaire de l'achat d'un ministre d'une villa à La Marsa pour plus de 500.000 dinars a défrayé la chronique il y a quelque temps. Mais voilà que les révélations récentes de Slim Boukhedir, ex-porte parole du mouvement Wafa, sur le passé du député Azed Badi (du parti Wafa) et ses relations avec l'ancien parti de Ben Ali (émission ''Labes'' sur Ettounissia TV du 24 mai) ouvre de nouvelle perspectives. Sihem Badi, ministre des Affaires de la femme et de la famille, ne serait-elle qu'un écran qui aurait effectué l'achat avec l'argent de ses frangins, tous les deux impliqués dans des affaires douteuses (chèques sans provisions, tricherie, escroquerie...)? Les critiques forts médiatisés adressées par le député à sa sœur ne seraient-elles que de la poudre aux yeux et du cinéma pour permettre l'opération de blanchiment sans susciter des doutes sur l'origine des fonds?
Bref, drôle de famille présente à l'Assemblée nationale constituante (Anc), au gouvernement et dans les milieux des affaires !
En attendant, aussi bien le député que la ministre n'apparaissant presque plus dans les médias, contrairement à leurs habitudes, comme s'ils cherchent à se faire oublier.
Gabegie dans une république bananière
Les révélations du Dr Néjib Karoui sur les relations inamicales entre l'ex-chef du gouvernement et secrétaire général en exercice du parti islamiste Ennahdha, Hamadi Jébali, et son ministre de la santé, le très ambitieux Abdellatif Mekki, a fait l'effet d'un coup d'assommoir pour nombreux Tunisiens. Les deux hommes sont pourtant issus du même parti. Le chef du gouvernement n'avait, apprend-t-on, aucune autorité sur son ministre qui n'a pas hésité à avorter une action visant à rapprocher les soins médicaux spécialisées des patients dans les zones les plus éloignés. On comprend mieux, dès lors, l'attitude des ministres issus du Congrès pour la république (CpR) vis-à-vis de M. Jebali puisqu'ils n'ont pas hésité à le défier et à l'humilier sans en être inquiétés pour autant. Mieux (ou pis): ils ont tous été reconduits dans le nouveau gouvernement avec les félicitations du jury!
Non, la Tunisie n'est pas une république bananière, car elle n'est même pas encore une république. Quant à son gouvernement, il ressemble parfois à un jardin d'enfants coranique où les petits sont tous aussi gâteux les uns que les autres. Et, surtout, irresponsables et gourmands.
* Professeur agrégé.