Il est faux d'assimiler tous les opposants syriens à des extrémistes. Et plus juste de dire que les Syriens sont victimes de l'extrémisme qui s'est faufilé dans la révolution au milieu des champs des ruines et des cadavres.
Par Sarra Horchani
Je pense très fort aux Syriens qui vivent dans la peur, ceux qui ont perdu leurs enfants, ou leurs parents, ceux qui ne savent pas où se trouvent leurs proches, ceux qui sont derrière les barreaux, ceux qui se retrouvent avec leur corps mutilé, des ruisseaux rouges parcourent leur dos, leur ventre, leurs mains, leurs pieds, leur visage, ceux qui ont eu le cri de la douleur insoutenable comme chant de cygne, ceux qui ont été forcé à prendre le chemin de l'exil.
Je pense très fort aux manifestants pacifiques du 15 mars qui n'ont fait que réclamer la liberté, la justice, la démocratie, et qui ont eu comme réponse des balles réelles suivies, tous les vendredis, par les manifestations pacifiques réprimées dans le sang. Des chars, des bombes face à des gens sans armes qui ne portaient en eux, derrière leurs habits, que l'espoir d'un avenir meilleur.
Je pense aux jeunes enfants qu'on enlevait aux parents et qui revenaient mutilés, sans vie. Au petit Hamza Al-Khatib, mort torturé pour avoir participé à une manifestation pacifique, à sa famille. Aux 15 écoliers arrêtés en février 2011 par le régime syrien à Deraa, torturés pour avoir tagué sur les murs de leur école les mots «Liberté» et «Bachar dégage». Deux d'entre eux finiront égorgés, et tant d'autres.
Quelle émotion forte d'avoir entendu ce chanteur syrien reprendre, en hommage à la révolution syrienne, les vers inscrits dans l'hymne tunisienne, ces vers ont été chantés par des tunisiens contre un autre dictateur de la même famille que le boucher de Damas, Ben Ali.
«Lorsque le peuple un jour veut la vie
Force est au destin de répondre
Aux ténèbres de se dissiper
Aux chaînes de se briser...»
Je refuse les accusations englobant tous les opposants syriens dans l'extrémisme. Les Syriens sont victimes de l'extrémisme qui s'est faufilé dans la révolution au milieu des champs des ruines et des cadavres. C'est la mauvaise herbe qui s'est imposée sans demander l'avis des Syriens. Depuis quand les extrémistes demandent l'avis de personne?
Les Syriens progressistes, opposants à Assad, existent et n'hésitent pas à dénoncer les crimes perpétrés par des membres de l'opposition et les considèrent comme une insulte à la révolution syrienne.
Je pense à ce peuple syrien qui est d'un grand courage. Malgré l'indifférence du monde, malgré les théories de complots assassins passant sous silence les massacres. Peuple syrien, on aimerait bien abattre les murs de l'indifférence, on aimerait que nos cris de révolte ébranlent les femmes et hommes du pouvoir.
Il semble qu'ici sur terre, la vie d'un être humain ne compte pas. Je ne comprends pas qu'on puisse garder les bras croisés face à tant de crimes.
Avec les moyens de communication d'aujourd'hui, nous pouvons recevoir des informations des Syriens. On ne pourra pas dire qu'on ne le savait pas.
Peuple syrien, je t'aime et j'espère que l'hiver de la répression cessera, que les bourgeons de la liberté fleuriront à Damas et dans toute la Syrie comme l'a rêvé un de tes plus fidèles amis, le Jaurès de Beyrouth(1) dont la force des mots dépassent celles des balles. Ses mots nous sont tatoués dans nos esprits. Ses mots résonnent aux cris des peuples arabes : «Nous ne voulons plus vivre sous le despotisme. Nous ne voulons plus être condamnés au malheur. Nous ne voulons plus être la région où le trait commun est le désespoir. Nous ne voulons plus être esclaves des tyrans. Nous voulons notre liberté, notre dignité. Quiconque bafoue cela nous lui disons dégage.»
Certes, les beaux jours de la démocratie ne ramèneront pas les morts. Mais les morts continueront à vivre dans notre mémoire. Ils continueront à être vivants dans les racines de la liberté conquise.
Mes salutations à toi Syrie la résistante, la belle, la rebelle comme le chantait un certain moustachu, lui qui a chanté la mémoire d'un poète chilien, non la dictature peut arriver à n'importe quel pays du monde.
La liberté, la justice, la démocratie n'est pas une question de culture c'est une question de droit. D'un droit universel.
Note :
(1) Samir Kassir.