Pour faire oublier son passé de collaborateur de Ben Ali et se refaire une virginité, l'ex-propagandiste de Ben Ali s'attaque aux islamistes d'Ennahdha et aux Qataris. Trop facile...
Par Karim Ben Slimane*
Mezri Haddad, l'ancien ambassadeur de la Tunisie auprès de l'Unesco, ne supporte pas de rester dans l'ombre. Après l'inénarrable numéro de contorsion dans lequel il lâche Ben Ali dans ses derniers jours de règne pour se draper de vertu et de sensibilité pour le peuple, le voilà qui refait surface en défrayant cette fois-ci la chronique dans le procès qui l'oppose à Al-Jazira.
Mezri Haddad est David. Al-Jazira est Goliath.
L'ancienne ami de Ben Ali
On savait déjà que la Tunisie regorgeait de talents patentés de réfection de l'hymen. Naguère, après la révolution, ce ne sont plus que les jeunes femmes qui prennent discrètement le chemin des cabinets de re-virgination, des intellectuels et des hommes politiques s'y adonnent désormais. Ces derniers cherchant à faire oublier leurs accointances passées avec le régime fort de Ben Ali. La prostitution intellectuelle était pour eux plus qu'une occupation, sûrement une vocation. Ils courraient de plateau en plateau et noirciraient avec zèle les feuilles de choux défendant les acquis de Ben Ali et jetant l'anathème sur ses opposants.
Borhène Bessais aboyait en arabe, Mezri Haddad glapissait en français. ''Non dalenda Carthago'', écrit Mezri Haddad en 2002, disséquant à l'emporte-pièce ce qu'il appelle une campagne de dénigrement de la Tunisie se vantant d'avoir éventé un complot gaucho-islamiste contre Ben Ali. Un livre qui a été d'ailleurs subventionné par les deniers publics (vendu 15 dinars en Tunisie 22,87€ en France) car jugé un bien de première nécessité pour les Tunisiens au même titre que le pain. Envoyé en service télécommandé par les sbires de Ben Ali à Paris, il conteste et dispute la paternité du journal ''L'Audace'' à Slim Bagga et tente de faire couler le journal d'investigation qui inquiétait le régime.
Ben Ali mène le pays vers la démocratie à son rythme, aimait-ils à dire. Incongru. Ben Ali est le rempart le plus solide contre l'islamisme rétrograde. Poncif. Ben Ali est le garant de la liberté de la femme. Foutaises.
Depuis le départ de l'ancien régime, Mezri Haddad ne cesse de gesticuler refusant de prendre sa retraite d'ancien ami de Ben Ali. D'abord, il joue les Cassandre en écrivant un pamphlet sur l'hiver islamiste. Ensuite, il appelle au sursaut du bourguibisme et lance le mouvement néo-bourguibiste qu'il dissout quelques mois après. Aujourd'hui il joue sa nouvelle valse. Il prend pour cible le Qatar qu'il accuse d'être le bienfaiteur des islamistes et tacle héroïquement la chaine Al-Jazira, organe de propagande wahhabite, renchérit-il.
Trouver plus nauséabond que soi
Aujourd'hui, il n'y a rien de mieux pour faire oublier son passé de collabo et de se refaire une virginité que d'attaquer les islamistes d'Ennahdha et les Qataris. C'est jouer à qui est le plus sale et le plus corrompu. Trouver plus nauséabond que soi, telle est la stratégie de Mezri Haddad.
Qu'est-ce que Mezri Haddad nous apprend de plus que ne nous savions déjà? Rien. Une frange importante du peuple est désormais vigilante quant au péril vert qui guette la Tunisie et beaucoup ne sont plus dupes du jeu et des manœuvres d'Ennahdha. Alors, pourquoi persévère-t-il encore à jouer les Cassandre? La vérité est que Mezri Haddad s'agite plus qu'il ne cogite. La vérité est qu'il s'échine à fare oublier son passé.
La diabolisation des islamistes et la résurrection de Bourguiba sont devenus des lavoirs publics de consciences souillées. Puissions-nous être de ceux qui se rappellent.
*Spectateur rigolard de la vie politique tunisienne.