L'Histoire retiendra sans doute le nom de Sahbi Atig, qui s'est cru en droit d'intimider ses compatriotes par des propos qui, dans un État de droit, tomberaient sous le coup de la loi.
Par Mohamed Ridha Bouguerra*
Oui, à bien y réfléchir, il va falloir remercier l'honorable député Sahbi Atig pour les menaces ouvertes qu'il a adressées au peuple tunisien en marge de la manifestation à laquelle a appelé, samedi 13 juillet, le parti Ennahdha en soutien au président Morsi en Égypte.
Le vrai visage d'Ennahdha
Oui, il faut remercier le sieur Atig pour ces propos historiques qui ont choqué la plupart de nos compatriotes et qu'il serait bon de rappeler ici: «Toute personne qui ose piétiner la légitimité en Tunisie, sera piétinée par cette légitimité même. Toute personne qui ose porter atteinte à la volonté du peuple aussi bien en Égypte qu'en Tunisie, sera vouée à la rue tunisienne qui sera autorisée à en faire ce qu'elle voudra, y compris répandre son sang.»
Oui, il faut remercier le député Atig pour avoir eu l'audace d'évoquer la légitimité de l'Assemblée nationale constituante (ANC) et des institutions qui en sont nées alors qu'il est grassement rémunéré depuis bientôt deux ans par les contribuables bien qu'il ait été explicitement porté à l'ANC par les voix du peuple pour contribuer à la rédaction de notre future constitution... en un an seulement.
Oui, il faut remercier le sieur Atig, président du groupe parlementaire d'Ennhdha et, faut-il le rappeler, non un novice farfelu en politique, qui, cependant, ne craint pas de se révéler sous son vrai jour en ce saint mois de Ramadan en appelant clairement au meurtre de ses adversaires politiques, avec le risque certain de troubler ainsi la fragile concorde civile et de semer encore davantage la division dans le pays.
Oui, il faut remercier le sieur Atig qui, dans un moment de grand enthousiasme, a clairement révélé le fond de sa pensée politique. N'y pourront plus rien maintenant ses explications alambiquées postérieures, détaillées sur tous les médias publics et privés où il se drape dans l'habit de la victime et selon lesquelles des esprits malsains ont trahi ses propos, leur ont apporté un contenu qu'elles n'ont pas et leur ont donné un sens littéral alors qu'il parlait d'une manière seulement imagée et métaphorique.
Le projet fasciste démasqué
Oui, il faut sans doute remercier le sieur Atig dont les propos ont nettement démasqué le projet fasciste qui habite aussi, sans conteste, le tréfonds de l'inconscient des membres de son parti.
Oui, il faut remercier le sieur Atig d'avoir placé les Tunisiens devant l'amère réalité, celle de savoir dorénavant qu'ils sont gouvernés par les hommes d'un parti pour qui l'assassinat politique serait un moyen de gouvernement afin d'asseoir et de maintenir une légitimité de plus en plus contestée depuis le 23 octobre 2012. Les hommes d'un parti qui se veut de gouvernement et qui ont utilisé, récemment, des balles de chevrotine contre des manifestants. Comme ils n'ont pas reculé pour asseoir les intérêts de leur parti, au début des années quatre-vingt, de se servir du feu et du vitriol contre de paisibles hommes de religion ou d'humbles citoyens.
Nul ne pourra plus, grâce à M. Sahbi Atig, faire semblant d'ignorer le projet politique fasciste que nous prépare le parti Ennahdha.
Notre action devra, désormais, prendre impérativement en compte le message que vient de nous adresser l'honorable député. Il nous faut donc agir en conséquence afin de combattre la fascisation rampante de notre société et lui opposer un autre projet inspiré par les principes démocratiques et ceux universels des Droits de l'Homme.
C'est pour toutes ces raisons que nous devons des remerciements à M. Sahbi Atig qui, grâce à l'immunité parlementaire dont il jouit, se croit en droit d'intimider ses compatriotes par des propos qui, dans un État de droit, tomberaient sous le coup de la loi.
L'Histoire retiendra sans doute le nom de M. Sahbi Atig, tout comme elle garde ceux de Himmler et de Goebbels.
* Universitaire.