L'avenir politique de la Tunisie et du monde arabo-musulman dépendra de l'issue fatale du bras de fer égyptien actuel, opposant les forces progressistes et les islamistes, soutenus par les sionistes et néoconservateurs américains.
Par Rachid Merdassi*
Je me suis juré de ne plus suivre la scène politique tunisienne depuis la profanation du Palais de Carthage, symbole de la république, par les caïds et les voyous, et aussi par dépit et dégoût de la nullité et perfidie d'une classe politique timorée et engluée dans le piège islamiste qui l'a neutralisée sur la question identitaire pour la mettre définitivement KO par une supposée légitimité des urnes qui lui a permis de faire main basse sur le pays, par l'entremise d'une Assemblée constituante d'un autre âge et aux ordres, devenue le trademark et symbole de la laideur et déliquescence d'une Tunisie blessée dans son honneur et dignité.
L'Egypte et le complot des néoconservateurs sionistes
Le séisme qui vient de frapper l'Egypte, par la volonté tenace d'un peuple déterminé et l'action décisive d'une armée patriote et toujours au rendez vous avec l'histoire et qui vient de prouver qu'elle sait s'affranchir du dictat américain quand les intérêts suprêmes de l'Egypte sont en jeu et faire avorter le complot des néoconservateurs sionistes, mentors et parrains des régimes islamistes.
Plusieurs penseurs et analystes l'ont souligné depuis l'avènement de ce qui fut appelé, et à tort, le printemps arabe sans que nos propres medias ne se soient trop attardés sur ce sujet central dans l'avènement des révolutions arabes et l'intronisation de régimes islamistes dits modérés.
C'est cette toile de fond qui doit permettre a posteriori de prévoir lequel des scenarios sera le plus probable pour la Tunisie.
Les islamistes ne sont pas parvenus au pouvoir par le seul simulacre d'élections démocratiques même si le timing de la «révolution tunisienne» a pris tout le monde de court mais grâce au soutien du congrès et administration américaine, sous l'emprise des néoconservateurs sionistes et l'argent du Qatar.
En précipitant l'histoire, les Tunisiens ont contribué, sans le savoir, à la mise en place de ce nouveau Moyen-Orient rêvé et planifié, il y a plus de 40 ans, par la coalition néo-conservatrice judéo-chrétienne: Richard Pearl, Paul Wolfowitz, Douglas Faith, Elliot Abrams, etc, tous juifs sionistes, et Dick Cheney (le vice-président le plus influent de l'histoire des Etats Unis), Donald Rumsfeld et d'autres noms sinistres et moins illustres.
Un raccourci serait opportun en vue d'édifier l'opinion sur la genèse du mouvement néoconservateur et son rapport avec ce qui se passe dans notre région, non dans une perspective de préjuger de la longévité de l'islam politique mais surtout pour discréditer et mettre à nu le complot néoconservateur sioniste sur le monde arabo-musulman avec la connivence de l'islam politique.
Cette vidéo fut tournée en septembre 2007 à New-York, en marge de l'Assemblée générale des Nations Unies, par une chaîne de télévision israélienne (Channel 10). Elle montre la rencontre entre Tzipi Livni, alors ministre des Affaires étrangères de l'entité sioniste, et Cheikh Hamad bin Khalifa al-Thani, l'Émir du Qatar. Cette rencontre diplomatique entre les deux pays ne serait pas la première d'après les dires de Tzipi Livni: «C’est la première rencontre avec l’Émir. Jusqu’à présent, les rencontres se faisaient avec le Premier ministre…». Curieusement, la chaîne qatarie Al Jazeera, censée pourtant informer le Monde arabe de ce genre d'information, fut à l'époque totalement muette sur le sujet…
Néoconservatisme, sionisme et islam politique
Le néo-conservatisme est un mouvement intellectuel, né aux Etats Unis dans les années 60 au sein de la revue ''Commentary'', organe et porte-voix de l'American Jewish Committee. Parmi les théoriciens et contributeurs les plus influents à cet organe, on trouve les figures les plus radicales du néo-conservatisme et du sionisme tels que Norman Podhoretz, Irving Kristol, Abram Shulsky, Donald Kagan et l'inévitable Paul Wolfowitz, qui se réclament tous des idées et philosophie de Leo Strauss, juif allemand, membre influent du Groupe de la Jeunesse Sioniste allemande, avant d'émigrer aux Etats Unis où il fut enseignant de sciences politiques à l'université de Chicago.
Strauss est le théoricien du néo-conservatisme et du Nouvel Ordre Mondial qui s'articule sur trois thèmes majeurs:
1- Une conviction religieuse que la condition humaine est définie par un choix entre le bien et le mal (thème repris par George Bush Junior après le 11 septembre 2011).
2- Une assertion que le déterminant fondamental dans les relations internationales repose sur la force militaire et la volonté de l'utiliser.
3- Une priorité absolue est à accorder au Moyen-Orient en particulier et au monde musulman en général, enjeu et théâtre principal pour les intérêts économiques et politique étrangère des Etats-Unis.
C'est cette genèse qui est à la base du projet de Nouveau Moyen-Orient avec en filigrane trois objectifs majeurs:
1- neutraliser la menace sécuritaire présentée par les Arabes et les Musulmans à l'identité sioniste (Israël);
2- contenir la menace terroriste d'Al-Qaida par la mise en place de régimes islamistes à la solde des Etats-Unis (Proxy States);
3- avoir un contrôle total sur les ressources énergétiques et le canal de Suez.
Paul Wolfowitz n'a-t-il pas promis à Golda Meir, depuis l'année 1974, de la débarrasser de l'Irak de Saddam Hussein? Le même scenario n'est-il pas en cours d'application à l'Iran musulman et au Pakistan dans une moindre mesure?
Pour mettre leur plan à exécution les néo-conservateurs se sont placés dans les rouages de l'Etat et à la Maison Blanche en attendant l'avènement d'un président inculte et facilement manipulable de la trempe de Georges Bush fils en particulier, étroitement encadré et sous influence de son vice-président Dick Cheney et secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld.
Tout était en place et l'avènement du 11 septembre était le déclic inespéré pour que les néo-conservateurs passent à l'offensive et mettent à exécution leur projet en commençant par la destruction de l'Irak, devenu cauchemar d'Israël conformément à la promesse faite à Golda Meir.
La débâcle de l'intervention américaine en Irak et l'illégitimité de ses mobiles, dénoncés avec vigueur par une opinion publique traumatisée par l'aventurisme de ses gouvernants a obligé les néoconservateurs à marquer une pause en se préparant à leur deuxième offensive qui leur a été offerte sur un plateau d'argent par le déclenchement fortuit et inattendu de la «Revolution» tunisienne.
C'est ainsi qu'un partage des rôles a été patiemment tissé avec des relais sionistes européens notamment en Angleterre et France en particulier où Sarkozy, Bernard Henri Lévy, Bernard Kouchner (théoricien du droit d'ingérence) et Laurent Fabius sont de fervents sympathisants et acquis aux théories néoconservatrices américaines. N'ont-ils pas été les responsables zélés de l'implosion de la Libye?
La Grande Bretagne, sous l'impulsion des néoconservateurs, était devenue le sanctuaire des mouvements islamistes radicaux contrôles par les services secrets britanniques, américains et financés par le Qatar et l'Arabie Saoudite (cf. ouvrage de Melanie Phillips ''Londonistan'') avec l'objectif de contenir la menace terroriste d'Al Qaïda en Europe et aux Etats-Unis.
L'effondrement de l'Union soviétique et la fin de la guerre froide ont été la cause imprévue de la montée de l'islam politique et de son lot de malheurs à l'échelle planétaire. Aussi était-il devenu urgent de remplacer les régimes arabes laïcs et corrompus par des régimes islamistes modérés qui se chargeront de contenir l'aile islamiste radicale par les moyens légitimes de l'Etat (police et armée) et c'est dans ce contexte qu'il faut comprendre l'aubaine inespérée, présentée par la révolte populaire en Tunisie et son effet domino sur l'Egypte, Libye, Yémen et Syrie.
Israël et les Etats-Unis ont trop misé sur les Frères musulmans: vont-ils pouvoir les lâcher?
Les agents qataris et saoudiens en mission guidée
Dès la fin de janvier 2011, Paul Wolfowitz a, en quelque sorte, rendu publique la position des néoconservateurs en appelant à la fin du régime de Hosni Moubarak.
Mais bien avant le début des manifestations, en 2010, Robert Kagan et Michelle Dunne avaient mis en place un groupe de travail sur l'Egypte dont les conclusions soulignaient que le statu-quo politique ne garantissait plus la sécurité des Etats-Unis (entendez sécurité d'Israël) et que l'administration américaine s'engage le plus tôt possible dans une défense active des droits de l'homme et de la démocratie dans ce pays.
C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre l'enjeu présenté par les pseudo révolutions arabes et la connivence des nouveaux régimes islamistes «modéres» avec les néoconservateurs américains qui les manipulent à travers leurs agents qataris et saoudiens.
Un jour, toute la lumière sera faite sur les liaisons dangereuses entre le sionisme international et l'islam politique.
Entretemps, la réaction de la société civile en Egypte et le ralliement de l'armée, non pris en compte les néoconservateurs qui croyaient avoir acheté la loyauté des militaires, risqueraient, par leur impact, de faire échouer tout le projet de Nouveau Moyen Orient, option cauchemardesque pour les intérêts et suprématie mondiale des Etats-Unis.
Cette perspective est peu rassurante dans la mesure où elle conduirait les néoconservateurs et leurs alliés islamistes à jouer leur dernière carte, à savoir agiter le spectre de la guerre civile pour reprendre le pouvoir par la terreur sous l'alibi de la légitimité des urnes.
L'avenir politique de la Tunisie et du monde arabo-musulman dépendra dans une large mesure de l'issue fatale de ce bras de fer égyptien.
NB: Il s'agit d'une analyse personnelle d'un citoyen lambda qui se préoccupe de l'avenir de son pays.