Ali Larayedh aurait bien mieux agi en faisant amende honorable, en reconnaissant honnêtement son échec dans tous les domaines et en présentant sa démission.
Par Tarak Arfaoui
Après lui avoir accordé au tout début un préjugé favorable, fermé l'œil sur son passé discutable, puis cogité, puis douté sur la véritable envergure du personnage présenté au départ comme un homme d'Etat, je suis finalement arrivé à la certitude après avoir écouté la récente interview de Ali Larayedh, chef du gouvernement provisoire, qu'en l'état actuel des choses c'est bel et bien le meilleur candidat à la primature que pourrait présenter le mouvement islamiste Ennahdha.
Langue de bois, duplicité et mensonge
Au vu de sa manière de manier la langue de bois, d'esquiver les questions pertinentes, de jongler avec la duplicité, d'occulter l'amère réalité et de mentir à longueur d'interview au peuple tunisien avec une assurance déconcertante, M. Larayedh était finalement égal à lui-même et à l'idéologie du parti qu'il représente.
D'abord réservé, puis partiellement énervé sous son masque austère, et enfin sévère et menaçant, M. Larayedh nous a gratifiés d'un laïus d'une platitude désarmante indigne d'un chef de gouvernement.
Déjà habitué à ses frasques médiatiques, le public tunisien a facilement reconnu M. Larayedh, déjà célèbre par ses délicieuses contrepèteries («On les attendait par devant, ils sont venus par derrière», à propos des assaillants de l'ambassade des Etats-Unis, le 14 septembre dernier). Le voilà qui revient à la charge par quelques perles monumentales en essayant de réconforter ses compatriotes sur le niveau sécuritaire du pays par une tirade invraisemblable : «La sécurité est rétablie puisque les citoyens sortent dans la rue après la rupture du jeûne»!, et persiste dans l'ineptie en affirmant que «tous le monde connait les assassins de Chokri Belaid», tout en affirmant qu'il a envoyé à leurs trousses 80 fins limiers du ministère de l'Intérieur! Enfin, il enfonce le clou avec son sempiternel leitmotiv: «L'opposition, véritable source de tous les maux, ne fait que discréditer le gouvernement au lieu de l'aider».
Les questions troublantes, il n'en a cure. Les citoyens se demandent désespérément où en est l'enquête sur l'assassinat de Chokri Belaid ? Où en est l'enquête sur les graves événements du 9 avril 2012? Où en est l'enquête sur l'attaque du siège de l'UGTT? Où en est l'enquête sur les événements de Siliana? Où en est l'enquête sur les réseaux clandestins armés qu'on ne finit pas de découvrir tous les jours?
Une dangereuse schizophrénie politique
Ni la situation inquiétante de l'économie du pays avec ses indicateurs qui flirtent avec la zone rouge, ni la dangereuse glissade du dinar tunisien, ni la dramatique régression du secteur touristique, principale source de devises du pays, ni l'effondrement des exportations du phosphate, ni les chiffres records du chômage qui toucherait le cinquième de la population, ni l'état lamentable de la salubrité publique avec un délabrement environnemental jamais vu auparavant et la soudaine résurgence dans le pays de fléaux préhistoriques, ne semblent inquiéter outre mesure notre cher Premier ministre qui tenait coûte-que-coûte dans une dangereuse schizophrénie politique à nier la réalité de l'échec cuisant de son gouvernement dans tous les domaines, et à mentir à ses concitoyens en tenant un discours de mauvaise foi complètement déconnecté de la réalité.
M. Larayedh aurait bien mieux agi en faisant amende honorable, en reconnaissant honnêtement son échec dans tous les domaines et en s'inspirant de notre vieux dicton qui dit: «Si le mensonge est salvateur, le langage de la vérité est plus solvable».