Pour connaître (et expliquer) la place qu'occupe la culture en Tunisie, il faut observer le comportement des Tunisiens et des Tunisiennes lors des concerts de musique : souvent indécent et peu respectueux des artistes.
Par Karim Ben Slimane*
La culture est le parent pauvre de la société tunisienne. Il n'est même pas certain qu'elle figure quelque part sur l'échelle des priorités des Tunisiens. En dépit de tout, la Tunisie n'est tout de même pas un désert culturel même si, centralisation oblige, la culture demeure l'apanage de la capitale Tunis.
Pendant la saison estivale des festivals viennent, chaque année, rompre la morosité ambiante et égayer les cœurs et les esprits. Le travail effectué par les comités d'organisation est d'une manière générale de bonne facture et chacun, bon an mal an, trouve chaussure à son pied. Je crois d'ailleurs qu'on fait trop de procès aux organisateurs des festivals et on épargne les festivaliers. Dans cette tribune je vous raconterai mes mésaventures au festival de Sousse. Je vous fais juges du procès que j'entame contre les festivaliers que je qualifie sans ambages de pourceaux à qui on jette des perles.
Le spectacle n'est pas toujours là où l'on pense.
En ce moment joue à Sousse le festival du Malouf avec un programme que je trouve personnellement de qualité. Lors de la soirée du 23 juillet, Sousse à accueilli la troupe de Malouf de Testour, la deuxième capitale après Constantine en Algérie de cette musique maghrébine aux influences andalouses.
Le spectacle s'est joué dans la splendide cour du musée de Sousse. Il n'y avait pas foule et on ne se bousculait pas aux portillons non plus en dépit du prix modique de l'entrée. La troupe était à l'heure, le son était parfait, l'éclairage aussi. Derrière moi se tenaient deux mégères ménopausées qui ont confondu spectacle de Malouf et «woutia» (soirée de la mariée en Tunisie). Après le traditionnel salamalec les deux rombières ont embrayé sur une longue discussion ponctuée de temps à autre de rires étouffés. La troupe de Testour chantait l'amour et le vin alors que mes deux voisines jasaient et cancanaient. Lassé et à bout de nerfs, profitant d'un entre-wasla, je change de place pour enfin profiter du spectacle dans le silence religieux qu'imposerait la majesté de cet art musical suprême qu'est le Malouf.
En Tunisie, il y a un proverbe qui dit «Garde bien le mauvais le pire pourrait t'arriver», j'ai enfin compris le sens de ces mots. Je me suis installé derrière une mère de famille qui ne se déplace apparemment jamais sans sa fille. Par moment, la mioche se mettait à se déhancher sifflotant du Nancy Ajram ou courait entre les rangées de chaises vides les faisant tomber. Quand elle était gagnée par la fatigue, la fillette se mettait à geindre implorant sa mère et voulant rentrer.
Quand je promenais mon regard dans l'audience clairsemée, je voyais des gens les yeux rivés sur leurs téléphones portables d'autres à moitié assoupis sans doute terrassés par la grande quantité de nourriture ingurgitée lors du repas de la rupture du jeûne.
J'ai tenu à finir le spectacle malgré tout mais quel gâchis, que des perles jetées à des pourceaux.
*Spectateur rigolard de la vie politique tunisienne.