houcine jaziri itidel barboura 8 13Nous publions ci-dessous la lettre de démission d'Itidel Fadhloun Barboura, une Franco-tunisienne nommée, en juin dernier, déléguée, chargée du projet pour le Haut Conseil des Tunisiens à l'Etranger (HCTE) au sein de l'Office des Tunisiens à l'étranger.

 

A l'intention du directeur général de l'OTE, Monsieur Habib Louizi

(copie adressée à Monsieur Houcine Jaziri, secrétaire d'Etat à l'Emigration)

Objet : démission au poste de chargée du projet du Conseil des Tunisiens à l'Etranger

Monsieur le directeur général de l'OTE, monsieur le secrétaire d'Etat à l'Emigration,

Par la présente, je vous informe de ma décision de démissionner du poste de déléguée, chargée du projet pour le Haut Conseil des Tunisiens à l'Etranger que j'occupe au sein de l'OTE depuis le 1er juin 2013

Cette démission intervient après une série de difficultés et d'entraves à ma mission dont vos deux organismes sont responsables

1/ Non respect des accords lors de l'entretien et tels qu'écrit dans le contrat : pas de bureau affecté réellement; pas d'information sur l'inauguration du premier local à Paris qui devait être l'un des endroits physiques de mon poste; pas de bureau affecté à Lyon, le consul de Lyon a souligné en juin l'inaccessibilité pour déménagement des locaux, le local finalement proposé après 45 jours de prise de poste ne disposait pas d'outils bureautiques pour assurer la communication interne et externe; pas de poste donné à Tunis non plus.

2/ Aucune circulation de l'information, pas de méthode de travail claire, aucune inclusion ni à des réunions pour l'organisation du projet ni même de convocation pour participer aux réunions de l'OTE ou du secrétariat d'Etat à l'Emigration. Cette situation me met dans l'impossibilité de pouvoir répondre aux nombreux appels de la communauté des Tunisiens à l'étranger qui réclament à juste titre des informations que je ne peux être en mesure de leur fournir car non informée. Après les évènements récents en Tunisie, j'ai pris seule l'initiative de rencontrer les principales associations pour dialoguer avec les représentants associatifs. En rencontrant le CAIT à Paris, la Coordination des assises de l'immigration tunisienne présidée par monsieur Tarak Ben Hiba, j'ai su qu'un dialogue avec monsieur Jaziri a eu lieu avec la promesse de leur présenter des travaux dans un délai dépassé au moment de ma rencontre, encore une information qui m'a échappé et qui nuit gravement au projet ainsi qu'à mon implication pour sa réussite.

De plus, j'ai appris récemment qu'un atelier de l'OTE allait se tenir dans ma région à Sousse le 15 août avec la communauté des Tunisiens à l'étranger.

Des citoyens ont reçu des convocations et me demandent de leur expliquer le déroulement et pourquoi je ne leur ai pas évoqué cette rencontre alors que je l'ignorais. Encore une fois, au même titre que l'humiliation et le discrédit que je subis en mettant en place des évènements qui concernent de près ou de loin ma mission sans m'en parler et en laissant la société civile comprendre d'elle-même le malaise de mon statut.

3/ Non respect du paiement du salaire (virement partiel fait après plusieurs interventions de collègues, et après plusieurs mails et demandes sans réponse, alors que vous connaissez mes besoins logistiques (internet, ordinateur, téléphone, fax, impression, déplacements). Vous connaissez tous mon isolement, ce qui revient à dire que je devais emprunter pour travailler pour l'Etat. A cela s'ajoute à ce jour ni retour de contrat, ni fiche de paie et par conséquent aucune preuve de mon lien avec le gouvernement.

4/ Aucune réponse accordée à mes nombreuses sollicitations (pour la mise à disposition d'une compétence pour le contrôle budgétaire, pour la traduction et le suivi de mes communiqués auprès de la communauté expatriée, pour la révision du plan d'action que j'ai soumis à l'OTE au début du mois de juillet; aucune réponse concernant la demande de mettre en place un workshop du 13 au 15 août (Comme vous le savez, j'ai bénéficié de l'aide de 5 citoyens indépendants à qui j'ai promis la tenue d'une journée de travail le 14 et le 15 août à Hammamet avec une prise en charge de l'OTE de 6 nuitées d'hôtel, seule récompense d'un gros travail fait par des citoyens motivés (et ceci, suite à l'accord préalable de Monsieur Louizi au téléphone la première semaine de juillet); aucune réponse à ma demande faite auprès de l'OTE concernant le souhait émis par des associations de bénéficier d'une réduction de transport pour assister au séminaire de Hammamet.

Enfin aucune réponse accordée à ma demande d'obtenir un billet d'avion pour venir jusqu'à Hammamet dans le cadre de ce projet.

Je n'ai jamais eu recours à l'emprunt de par mon travail universitaire (que j'ai suspendu le temps de ma mission). Je suis reconnue pour mon intégrité, pour ma force de caractère et pour mon indépendance financière qui m'a permise d'être la principale donatrice de mon ONG. Depuis le début de ma mission, non seulement je suis dévalorisée et discréditée en partie par l'attitude du secrétariat d'Etat à l'Emigration et la nonchalance de l'OTE, mais en plus, j'ai dû pendant 2 mois et demi emprunter auprès de plusieurs personnes pour mes dépenses du quotidien, pour certains déplacements que l'attaché social de ma région et d'autres évitaient de m'attribuer par peur de ne pas être remboursés.

Finalement, outre les aspects matériels fortement symboliques dans la considération et la valeur que vous attribuez à ce projet, je constate surtout une divergence de point de vue sur le fond que la rigidité de vos administrations ne m'ont pas permis de faire évoluer positivement.

Le projet du conseil aurait dû bénéficier à ce stade de 3 ou 4 compétences des Tunisiens à l'étranger, le programme aurait dû être présenté 6 mois au préalable vu le coût des billets d'avion et la période du ramadan; ce projet aurait du être détaché de vos deux instances et soumis à la présidence de la république.

Enfin, il aurait fallu insister sur l'avant-projet de loi et sur une étude budgétaire avant d'établir des synthèses de doléances arbitraires sans les deux points précédents. J'ai proposé une révision du projet en tenant compte d'un travail de coordination régionale sur chaque étape du projet, une proposition laissée sous silence.

Vous m'avez connue comme étant une citoyenne activiste militante et vous m'avez recrutée officiellement pour mes compétences.

Or à ce jour, non seulement je n'ai pas eu la possibilité d'exprimer librement mon point de vue, mais je n'ai pas eu non plus la possibilité de faire valoir ma vision scientifique du projet du fait de la rigidité de vos administrations, des priorités que vous placez derrières vos manœuvres et de la façon dont vous considérez la question de l'émigration.

Ainsi, compte tenu de tous ces éléments qui me semblent justes et concrets, et après toute la résistance et la bonne volonté qui a été la mienne à vouloir coûte-que-coûte réussir ma mission et répondre aux attentes de ma communauté malgré les entraves. Je ne peux aujourd'hui continuer à subir, à souffrir et à faire souffrir ma famille et mon entourage indignés par ma situation et mon état de santé.

J'ai souhaité servir ma communauté et contribuer à l'évolution démocratique du pays. Servir un groupe ou un individu n'a jamais fait partie de mes prérogatives. J'ai souhaité servir ma communauté et contribuer à l'évolution de l'immigration tunisienne à travers mes efforts. Je suis attachée à la notion d'intérêt général que je ne peux appliquer précisément dans le conditionnement de mon statut, c'est pourquoi, je souhaite m'en défaire aujourd'hui.

C'est avec regret, épuisement physique, psychologique et détermination dans mon choix que je vous envoie par ce courrier ma démission à compter du samedi 9 août 2013.

Veuillez croire, messieurs en l'expression de mes sentiments les plus sincères

Pour faire valoir ce que de droit

Itidel Fadhloun Barboura

 

Illustration: Houcine Jaziri - Itidel Fadhloun Barboura