La position, mal inspirée, de l'Europe concernant la situation en Egypte aura sans doute des répercussions sur toute la région et pourrait signifier une perte de confiance aboutissant à ruiner toute sa politique dans la zone MENA.
Par Fathi B'Chir*
L'Europe parait encore une fois mal inspirée quand elle traite des affaires arabes et musulmanes. Doublement obnubilée, par la sauvegarde de ses intérêts et par le risque sécuritaire de toute évolution négative chez ses voisins, elle ne réagit pas souvent à bon escient.
Ce qui se passe en Égypte est significatif. Les scènes du massacre en pleine rue et dans les mosquées soulève le cœur, simple réaction d'humanité, mais peut-on rejeter, sans l'examiner sur le fond, l'argument de légitime défense d'une population égyptienne qui craint les «islamistes» autant que le sida. Irrémédiable.
La crainte de les voir s'installer au pouvoir paraît et est supérieure à tous les constats heurtant les consciences. L'obstination mise par les «Frères musulmans» comme leurs collègues «islamistes» tunisiens, libyens et ailleurs, bloque tout dialogue et n'autorise aucun espoir de se retrouver sur un terrain d'entente. Ils donnent le sentiment par leurs agissements en «bloc» d'être plus une armée d'occupation étrangère que des forces politiques nationales.
Émotion contre émotion, les Égyptiens sont plus attentifs à leurs propres peurs réelles et profondes qu'aux réactions indignées, et paraissent quelque peu hypocrites, des chancelleries européennes et occidentales en général, relayées par des médias occidentaux de plus en plus ouvertement contestés sur le terrain.
Un fait saute aux yeux même s'il n'est pas nouveau, et j'ai personnellement maintes fois marqué mon souci d'une «anti-occidentalisation» en net renforcement non pas chez les «islamistes» mais chez les plus modernistes laïcs, convaincus d'avoir été trahis par l'Europe. Avec les USA, le tableau serait plus clair. L'Europe ne semble pas suffisamment prendre garde à cette évolution grave.
Ce qui vaut pour l'Égypte – montée des tensions et réactions occidentales empreintes d'une sensibilité jugée douteuse – vaudra pour la Tunisie, la Syrie et ailleurs. L'absence d'une telle émotion européenne vis-à-vis de la Palestine renforcera ce sentiment.
Ce que dira ou fera une Europe mal inspirée aura sans doute des répercussions sur toute la région et pourrait signifier une perte de confiance aboutissant à ruiner toute sa politique dans la zone Moyen-Orient/Afrique du Nord (MENA).
*Journaliste tunisien basé à Bruxelles.