Et si les syndicats de police, de douaniers, de fonctionnaires, de médecins, d'architectes, d'agriculteurs... dénonçaient à l'unisson, au quotidien, au gré d'une démarche de harcèlement méthodique, la nature hideuse du pouvoir en place...
Par Jomâa Assâad*
Messieurs les paysagistes du parcours de santé Le Bardo-Bab Sâadoun-La Kasbah.
Expérience faite, il appert clairement que la formule mise en place a atteint ses limites et que vous faites, désormais, du sur-place. Et, en matière de politique, qui n'avance pas recule.
Il serait, en conséquence, grand temps que nous en revenions à nos fondamentaux.
A cet égard, permettez-moi de vous rappeler que depuis l'ère de Périclès, l'exercice de la politique est fondé sur l'art de la persuasion.
Or, en démocratie, l'on ne persuade pas forcément son public en lui assénant un florilège d'arguments d'autorités. Une demi-vérité ressassée par n partis politiques et n+1 entités de la société civile, pour peu qu'elle ne soit pas suffisamment étayée, n'accédera jamais au statut de vérité.
La formule mise en place a atteint ses limites.
Or, lorsque l'on ne met à contribution que sa masse charnelle, soit en se pavanant dans les artères goudronnées de la capitale soit en menaçant de simuler une grève de la faim qui, chacun le sait à l'avance, n'arrivera jamais à terme, les chances de convaincre son prochain demeurent lilliputiennes.
Etayer, argumenter, démontrer, telle semble être l'unique voie menant à la persuasion. Pour ce faire, il conviendrait de tirer meilleur profit, que l'inefficiente loi du nombre, de la multiplicité, et de la diversité, des protagonistes.
Ceux-ci doivent concomitamment oeuvrer à l'atteinte d'une finalité précise: la dénonciation. Dénoncer les abus de pouvoir, les trafics d'influences, les abus de biens sociaux, les malversations de tous acabits, les collusions de tous genres, les actes délictueux, crapuleux, immoraux... Telle devra être notre priorité dans cette deuxième phase de résistance civile.
A cette fin, l'on gagnerait, par exemple, à inviter les avocats, via leur Ordre, à réserver une journée «citoyenne» consacrée à recueillir et initier les procédures pénale, civile ou administrative, des citoyens lésés par ce Léviathan insatiable. Les dossiers les plus «brûlants» seront médiatisés intra et extra muros.
L'association, le syndicat des magistrats et l'Observatoire de la Justice (au secours, cette fois-ci, de la Tunisie et pas des seuls Ansar Al-Chariâ) seront chargés de la dénonciation nationale et internationale, faits précis à l'appui, de la mainmise de l'exécutif sur le judiciaire. Le devoir de réserve, le sacro-saint secret de l'instruction seront suspendus pour cause de «Nation en danger».
L'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica, centrale patronale) dénoncera les «affaires» de collusion. Les malversations de ces «affairistes» venus d'ailleurs éclateront au grand jour et l'opinion nationale et internationale en sera informée par le menu détail.
L'Union générale tunisienne du travail (UGTT) retrouvera son rôle de syndicat en dénonçant, auprès du BIT, de la CISL et de l'OIT, la violation par ces «féodaux» des règles les plus élémentaires du droit social.
La Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH), forte de cas précis, dénoncera le mépris de ces ayatollahs de la notion même de droit. Ceux des enfants, des femmes, des minorités, des universitaires, des artistes... bref, des citoyens.
Le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), mettra à nu la guerrilla livrée par le pouvoir à l'encontre de la liberté d'expression. Et les cas d'espèce, à titre illustratif, ne manquent pas.
Lorsque l'on ne met à contribution que sa masse charnelle.
Les syndicats de police, de douaniers, de fonctionnaires, de médecins, d'architectes, d'agriculteurs... dénonceront à l'unisson, au quotidien, au gré d'une démarche de harcèlement méthodique et incessant, la nature hideuse de ce pouvoir hors de temps et de lieu.
Les Tunisiens et le monde entier découvriront l'aspect abject de ces pseudo-dévots et leur rejet n'en sera que plus imminent. Ils réagiront, certes, à cette nouvelle forme de résistance citoyenne, produisant ça et là quelque casse, mais le phénomène sera à ce point général, démoralisateur, destructeur, que, commettant maladresse sur bévue, ils ne courront que plus vite à leur perte.
Ouf! Dès lors la Tunisie, envoûteuse depuis des millénaires, charmera de plus belle ses amoureux de ses senteurs parfumées au jasmin.
Super stars du Bardo, condescendez à accorder à vos concitoyens un rôle un tantinet plus important que celui de figurants. N'ayez crainte, n'étant pas précisément attirés par le show-biz, ils ne risqueront pas de vous faire de l'ombre. Vous y gagneriez même en maturité politique et surtout en... humilité.
*Universitaire.
Illustration: Ph. Page Facebook L'Appel de la Tunisie.