enfants vendeurs ambulants 9 11

100.000 élèves ont abandonné les bancs des écoles au terme de l'année scolaire 2012-2013. C'est à ces 100.000 de laissés-pour-compte... 100.000 d'avenirs hypothéqués... que vont nos pensées en cette rentrée scolaire 2013-2014.

Par Jomâa Assâad*

Prenant le peuple à témoin, j'accuse le Gouvernement tunisien, en la personne de son représentant départemental, le ministre de l'Education nationale, principalement de crime contre l'Humanité et accessoirement de cruauté mentale.

Interrogé sur les perspectives de la rentrée scolaire 2013, l'accusé s'est prétendu entièrement satisfait des bons augures sous lesquels se place ladite rentrée. Cet éducateur, pour peu qu'il soit digne de ce nom, n'a eu aucun sursaut de conscience pour la détresse de cette Nation sinistrée.

Sachez, monsieur, que tout Tunisien – père, mère, frère ou soeur – a été heurté par la fatidique annonce selon laquelle 100.000 de nos enfants ne retrouveront pas le chemin de l'école cette année... 100.000 de laissés pour compte... 100.000 d'avenirs hypothéqués...
Bon nombre d'entre eux dévieront vers la délinquance juvénile. D'autres seront asservis à de basses besognes. D'autres encore périront en mer, serviront de carburant au terrorisme, ou se prostitueront. Que de rêves détruits! Que de vies gâchées!

A l'annonce de ce dramatique chiffre, vous auriez dû, pour peu que vous ayez une once de scrupules, organiser, toutes affaires cessantes, des états généraux de l'éducation afin de pallier à cette catastrophe nationale. Mobiliser l'ensemble du gouvernement autour d'un plan de sauvetage et déclarer la Tunisie, pour cette raison, «Nation en danger».

Monsieur le ministre, je vous accuse du «génocide» intellectuel, culturel, social, psychologique, économique... humain de 100.000 espoirs tunisiens. A cause de votre inhumanité, 100.000 de nos enfants seront dépouillés de leur droit au rêve... de leur jeunesse!
Satisfait, dites-vous?! De quoi?! De 100.000 destinées vouées à un avenir plus qu'incertain?! D'avoir provoqué une panne fatale de l'ascenseur social pour 100.000 chances de réussite socio-économique?!

A qui devez-vous, personnellement, le fait d'être docteur ès truc? N'est-ce pas à l'école publique?! A l'école tunisienne, voulue et fondée par Bourguiba?! Qui nous a sortis, autant que nous sommes, des contrées bouseuses qui nous ont vu naître?! N'est-ce pas cette même école?!
Et enfin, que vont devenir ces 100.000 frêles âmes?! J'ose espérer qu'à défaut de vous en sentir responsable, vous n'iriez pas jusqu'à vous en foutre éperdument.

Me détournant de votre sort, sur lequel l'Histoire statuera, j'en appelle à mes collègues enseignants.

Estimés consoeurs et confrères, mobilisez-vous pour organiser le sauvetage de nos enfants en perdition. Organisez des journées portes ouvertes pour sensibiliser les parents à ce drame national. Créez des associations de soutien à ces victimes d'un gouvernement inique. Trouvez des formules de réintégration et/ou d'orientation de ces enfants dans les systèmes scolaire et parascolaire. Exigez la solidarité nationale.

En un mot, jouez, en conscience, le rôle de l'Etat! Puisqu'en fait d'Etat, nous n'avons plus, aux dernières nouvelles, qu'un ramassis de «dévots». De «Pieux musulmans» qui non contents de ne pas se sourciller, en l'occurrence, du «Dernier jugement», ne sourcillent même pas à la détresse de leurs compatriotes, et néanmoins victimes non consentantes.

* Universitaire.

Illustration : Enfants déscolarisés transformés en vendeurs ambulants.